L'effort des usagers de l'espéranto est plus grand qu'on ne le suppose pour

améliorer et enrichir les dictionnaires et les programmes de traduction automatique. Il s'agit d'un travail silencieux, caché et discret, mais d'une très grande utilité.

Pour l'espéranto, Elitrad (Etna-Lingva Internacia TRADukado : Traduction ethnique-linguistique internationale — et, humoristiquement, elit-rad : roue de l'élite ;-) http://traduku.net/ , créé par Mike Leon et Aaron Irvine avec la participation de Victor Sadler, ne proposait qu'un dictionnaire bi-directionnel de l'anglais vers l'espéranto; il a maintenant une interface en français, et il est prévisible que d'autres versions apparaîtront pour la traduction depuis et vers l'espéranto. Actuellement proposées sont les langues DE, FR, ES, HU, NL, PT, SV. Tout dépend évidemment des volontaires qui s'annonceront pour aider. Les personnes intéressées peuvent voir http://traduku.net/pri.php

Les possibilités qui existent maintenant sur Internet ne sont pas rares, mais elles se limitent généralement à quelques "grandes" langues. Dans un communiqué précédent, j'ai donné un compte-rendu du livre de Mathieu Guidère "Irak in Translation — De l'art de perdre une guerre sans connaître la langue de son adversaire". Un chapitre entier, pp. 89-113, traite des "technologies de l'incompréhension". Les premières recherches sur la traduction automatique ont été effectuées par les frères Warren et Shannon Weaver à la fin des années 1940. Ces travaux les ont conduits à deux conclusions : l'inaccessibilité à l'exactitude et à la qualité de la traduction humaine mais la faisabilité d'une aide automatique à la traduction.

En 1966, un rapport de l'Automatic Language Processing Advisory Committe (ALPAC) arrivait à la conclusion "la traduction automatique est inaccessible" si bien que la recherche à ce propos ne reçut plus de subventions gouvernementales. Après le besoin de traduction du russe vers l'anglais durant la Guerre froide, apparut à partir de 2003 la nécessité de traductions de l'arabe vers l'anglais durant la seconde guerre d'Irak. Des entreprises privées ont fait payer fort cher des appareils qui livraient le plus souvent des traductions gâchées. Pour l'année 2006, le Pentagone a financé des programmes de traduction automatique pour 26 millions de dollars et encore plus en 2007. L'entreprise Titan a réussi a enlever un contrat de 55 millions de dollars pour développer un programme utilisable dans des véhicules. L'armée étasunienne a acheté à partir de 2006 plus de 5000 traducteurs de phrases "Phraselator" de l'entreprise VoxTec, mais cet appareil s'est montré tout à fait inadéquat, si bien que les soldats l'ont laissé de côté. Une autre entreprise, Integrated Wave Technologies, a proposé un autre appareil qui est apparu tout aussi inadapté. Malgé cela, l'armée en a acheté 1300 exemplaires en 2005, à un prix un peu supérieur à 2500 dollars. En 2006, des conseillers du Pentagone se sont adressés à l'agence fédérale de recherches DARPA pour une solution intelligente. Un programme de recherches a été lancé avec des suventions de 20,8 millions de dollars pour les technologies de traduction, et de 50 millions de dollars en 2007. En 2006, IBM a développé un "facilitateur de communication" dont il a envoyé 35 exemplaires en Irak pour les tester, mais il s'est montré totalement inefficace. À la fin de 2006, l'agence DARPA est parvenue à la conclusion que "cette technologie n'était pas encore mûre pour pour un déploiement à grande échelle" (p. 101). Dans la seconde moitié de 2006, un nouveau programme "IraqCom", création de SRI International, utilisable avec un ordinateur ordinaire, fut essayé. Il contenait un dictionnaire de 40 000 mots pour l'anglais et de 50 000 pour l'arabe irakien. Conclusion du service de presse de l'armée, qui en avait passé une commande importante, officiellement pour évaluation : "Ces machines ne sont pas aussi intelligentes que les traducteurs humains, même si elles peuvent être déployées partout et à toute heure" (p. 101)...

Mathieu Guidère rappelle que durant les premières années de l'Internet, le contenu était presque à 100% en anglais et que l'anglais n'en occupe actuellement qu'environ 35% du Réseau où il est devenu minoritaire. Ceci a conduit à un début d'intérêt aux États-Unis pour les langues étrangères, mais pas au point de pousser les Étasuniens à les apprendre. Les systèmes de traduction automatique, ou au moins d'aide à la traduction ont été bienvenus pour eux. Google a flairé en cela un grand marché très profitable et s'est donné les moyens d'approfondir les recherches. Il a déjà proposé "Google Translate". À la fin de 2006, l'Institut National des Standards et de la Technologie (National Institute of Standards and Technology — NIST) a évalué le système de Google pour l'arabe et le chinois. Il est arrivé à la conclusion que les résultats étaient les meilleurs et se plaçaient loin devant les programmes traditionnels des leaders du marché tels que Systran, Trados et Softissimo (p.104).

Nous, usagers de l'espéranto, souvenons-nous des recherches effectuées autour du projet "Distributed Language Translation" (DLT). Ce programme de traduction multilingue fonctionnant sur la base de l'espéranto comme interlangue fut enterré à cause de la faveur et de l'influence dont jouissait Systran chez les instances du Marché Commun d'alors, lequel n'a subventionné DLT que de 1984 à 1990 alors qu'il représentait la solution la plus rationnelle et la plus équitable. L'expérience acquise dans le cadre de DLT ne serait-elle pas utilisable au sein de Google translate.google.com ? Les pays asiatiques n'auraient-ils pas intérêt à prêter plus d'attention à cette possibilité ? Voir les avis d'Asiatiques sur l'espéranto sur : http://www.bonalingvo.it/index.php/Opinioj_de_azianoj_pri_Esperanto

Bien que Barack Obama ait incité les Étasuniens à l'apprentissage d'au moins une langue étrangère, on peut supposer que la majorité d'entre eux penchera pour une solution plus facile et pratique. Ils auront le choix entre les outils d'aide à la traduction ou... l'espéranto. Et celui-ci pourra éveiller chez une partie d'entre eux une plus grande curiosité par rapport aux langues étrangères.

Lorsque sont apparus les premiers essais de traduction automatique, ou de traduction semi-automatique, je me souviens de l'incapacité des machines à traduire la phrase en français "Les poules du couvent couvent" , c'est-à-dire de distinguer l'homonymité entre un substantif et un verbe. Voici comment divers programmes traduisent aujourd'hui cette phrase du français vers l'anglais :

Google Translate http://www.google.fr/language_tools : "The hens of the convent convent"
Systran (Babel Fish) http://fr.babelfish.yahoo.com/ : "The hens of the convent brood"
Translated http://traduction.translated.net/ "The hens of the convent brood"
Voila http://trans.voila.fr/traduction_voila.php : "The hens of the nunnery brew"
Reverso (de Softissimo) http://www.reverso.net/text_translation.asp?lang=FR : "The hens of the convent brood(hatch,smoulder)"

Vous pouvez faire l'essai vers d'autres langues et comparer.
Le programme de traduction pour l'espéranto Elitrad http://traduku.net/ , traduit du français vers l'espéranto "al ili kokino de la monaĥejo monaĥejo"...

Le problème est le même avec "le président et le vice-président président l’assemblée". De tels cas sont innombrables.

De grands progrès sont prévisibles en raison de la croissance considérable en puissance et en rapidité des ordinateurs et en capacité de mémoire, ce qui permet de mémoriser et de traiter très vite une énorme quantité de contextes possibles, mais la perfection restera inaccessible. Ces programmes permettent toutefois d'évaluer pas trop mal la valeur ou l'intérêt d'un texte ou d'un document dans une langue que l'on ne connaît pas du tout et de décider si une traduction soignée est vraiment nécessaire. J'ai eu une expérience personnelle en cela par la traduction automatique du russe au français pour rédiger des articles pour Vikipedio (version en espéranto de Wikipédia), entra autres sur Nikolaj Ivanoviĉ Pirogov et de l'espagnol au français pour un article sur Valentín Letelier. La raison d'être et l'intérêt de l'espéranto ne disparaîtra jamais. Voici quelques démarches sur le terrain des dictionnaires et des programmes de traduction :

http://www.reta-vortaro.de/revo/ qui recherche des collaborateurs.
http://www.lexilogos.com/esperanto.htm un travail et site extraordinaires de Xavier Nègre (Marseille)
http://www.majstro.com/ de Gerard van Wilgen
http://download.travlang.com/Ergane//erganees.htm de Gerard van Wilgen
http://www.tekstoj.nl/esperanto/tradligoj.htm de Roel Haveman, entreprise "Tekstoj",
www.linguaforce.com/francais de Philippe Berizzi (entreprise Linguaforce)
www.travlang.com/languages Travlang (dictionnire de base pour les voyageurs).

Voir aussi :
esperanto.ie/esperanto/vortarolisto.htm
www.cs.chalmers.se/~martinw/esperanto/veb/prog.html
www.eventoj.hu

Le sujet n'est pas épuisé ! ;-)

Henri Masson