Venues du fond des âges, tragiques ou merveilleuses, les légendes de notre terroir sont notre histoire, comme celle du Sanglier des Ardennes :
On raconte au pays de Durbuy comment un sinistre seigneur berna en même temps le prince-évêque de Liège... et Satan ! En ces temps-là, la noble famille de la Marck tentait de s'imposer dans la région. A sa tête était un garçon belliqueux, Guillaume. Ses ancêtres avaient autrefois acheté Sedan pour y construire leur place forte. Puis ils s'étaient approprié les terres jusqu'à Bouillon. Guillaume était prêt à tout pour étendre son domaine. Lui et ses hommes n'hésitaient pas à appliquer les méthodes les plus barbares pour venir à bout de l'ennemi. Elles lui avaient d'ailleurs valu le surnom de «Sanglier des Ardennes». Tandis que ses troupes conquéraient du terrain, messire de la Marck décida qu'il serait bientôt maître de Liège. Face au prince-évêque et à ses soldats, la partie n'était pas gagnée.
Les combats durèrent des semaines. Jamais encore le Sanglier des Ardennes n'avait connu pareille résistance. Renoncer? Jamais! Plutôt pactiser avec Satan! Et c'est ce que fit le seigneur de Sedan...
Guillaume de la Marck et ses troupes étaient aux environs de Villers-Sainte-Gertrude. Un soir, le Sanglier vit apparaître un étrange compère. C'était le diable en personne. Je connais ton désarroi, dit-il à Guillaume. Pourtant, il y a une solution... Si l'on construisait un barrage sur cette rivière, tes poursuivants périraient noyés... Guillaume répondit en soupirant: Mes hommes n'ont plus la force de construire un barrage. Le diable eut un sourire en coin: Ce barrage pourrait être terminé avant que le coq ne chante trois fois. Fais-moi confiance. Le Sanglier des Ardennes accepta la proposition et vendit son âme à Satan.
Les sbires du diable se mirent à l'oeuvre et entassèrent d'énormes pierres dans la rivière. Mais cela faisait un bruit d'enfer... Une vieille sortit de sa masure une chandelle à la main. A ce moment-là, le coq de la vieille lança un cocorico que reprirent les deux autres coqs du hameau. Comme eux, les ouvriers du diable crurent l'aube venue, et ils quittèrent leur chantier. Le barrage, inachevé, s'écroula quelques instants plus tard sur les soldats du prince-évêque. Guillaume de la Marck échappait ainsi à ses poursuivants et à Satan.
Aujourd'hui, les rochers empilés dans l'Aisne aux abords de Manhay témoignent toujours de cette diabolique histoire.
