Génie discret du cinéma français, l’auteur d’On connaît la chanson et de Mon Oncle d’Amérique est mort samedi à l’âge de 91 ans…

Dans Vous n’avez encore rien vu, son avant dernier film, en compétition à Cannes en 2009, Alain Resnais mettait en scène la veillée funèbre d’un grand dramaturge auquel ses comédiens favoris (Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussollier, Lambert Wilson, Michel Piccoli, Anne Consigny, Mathieu Amalric…) rendaient un dernier hommage en rejouant des extraits de ses pièces les plus célèbres.L’aspect testamentaire du film n’avait échappé à personne et bien qu’il n’ait pas laissé de trace au palmarès, c’est à lui que l’on pense en apprenant la mort d’Alain Resnais. On imagine que ses funérailles, que Gilles Jacob voudrait nationales (voir en encadré) ressembleront à celles du film, les mêmes comédiens, sa « troupe » constituée au fil du temps et des films, venant rendre hommage à l’un des derniers authentiques génies du cinéma français. On l’imagine aussi, lui, frêle silhouette aux cheveux de neige, les yeux protégés derrière de grosses lunettes noires, s’éloignant vers l’au-delà sur ses baskets immaculées aux semelles de vent, tandis que défileraient à l’écran les titres de ses films et les prix les plus prestigieux qui les ont couronnés : La Guerre est finie (Prix Louis Delluc 1966), Providence (César du meilleur film et du meilleur réalisateur 1978), Mon Oncle d’Amérique (Grand Prix à Cannes 1980), Smoking/No Smoking (César du meilleur film et du meilleur réalisateur 1994), On Connaît la chanson (César du meilleur film, Ours d’argent spécial, Prix Louis Delluc 1998), Les Herbes folles (Prix exceptionnel du jury à Cannes 2009), Aimer, boire et chanter (Prix Alfred Bauer à Berlin 2014) .

Inventeur de formes
Ce dernier film, son vingtième, sortira en France le 26 mars.Nous avions rendez-vous pour en parler dans quelques jours.Car s’il détestait la promo télé, Resnais réservait toujours un peu de son temps à la presse écrite, non pour expliquer son œuvre, puisqu’il ne se considérait pas comme un « auteur », mais pour dire le plaisir qu’il avait pris à la réaliser avec sa « famille » de comédiens et de techniciens. Une famille qui pleure aujourd’hui son patriarche, infatigable inventeur de formes et explorateur génial du 7e Art. Jusqu’au bout, Resnais n’aura cessé d’innover et de surprendre. Même sa mort étonne : à 91 ans, il ressemblait encore à l’enfant qu’il n’a jamais cessé d’être .
Né le 3 juin 1922 à Vannes, où son père était pharmacien, le jeune Alain, de constitution fragile, trouve refuge dans les bandes dessinées et les feuilletons populaires, avant de découvrir, très jeune, le cinéma. A13 ans, il achète sa première caméra.A 21, il entre à l’Idhec.A 33, il réalise Nuit et brouillard, montage d’archives sur les camps d’extermination nazis qui le fait connaître dans le monde entier. La guerre et les drames de son siècle marquent la première partie de son œuvre. Avec Je t’aime je t’aime, Providence et surtout Mon oncle d’Amérique (1980), son cinéma devient plus intellectuel et expérimental.Pourtant, jamais il ne se coupe du grand public qui fait un triomphe à ses films des années 80-90 : Mélo, Smoking/No Smoking et surtout On connaît la chanson, qui lui vaut tous les honneurs et reste son plus grand succès. Personne en France n’aura aussi bien concilié culture savante et culture populaire.« C’était le prototype de l’auteur grand public que le Festival de Cannes cherche à promouvoir, dit de lui Gilles Jacob auquel nous avons appris la triste nouvelle. Une âme qui, toute sa vie, aura cheminé vers la légèreté et le bonheur ». Il semblait avoir atteint les deux et planait déjà très au-dessus de la mêlée, gracile, souriant et courtois, avant que de finir par s’envoler tout à fait. Inatteignable désormais.