Veste en jean, cheveux en bataille, démarche chaloupée, humour ravageur... Frederic Mitterrand fait un président de jury très rock'n'roll pour le 42e festival du cinéma américain de Deauville. Son hommage à Stanley Tucci , prononcé en anglais avec un accent digne de l'inspecteur Clouseau, a fait crouler de rire le public du Centre international, où se déroulent les projections officielles. En attendant de connaître le palmarès dont accouchera dimanche son jury "all stars" (1), il nous a parlé de son rôle de président et de sa cinéphilie...

Comment avez-vous reçu l'invitation du festival?
Avec bonheur ! C'est amusant de se faire appeler président (rires)… Deauville est un festival charmant. C’est très intéressant de découvrir la production américaine indépendante et de voir à quel point l’image qu’elle donne de l’Amérique est cruelle. Ils ont des acteurs incroyables...

Vous aussi vous avez été acteur (A 12 ans, il jouait dans « Fortunat », aux côtés de Bourvil et Michèle Morgan)...
Oui, mais je n’étais pas très bon. Alex Joffé n’était pas très gentil avec moi. S’il l’avait été, j’aurais pu être meilleur...

Comment jugez vous le réalisateur que vous avez été ?
J'ai fait des trucs pas mal. Lettres d'amour en Somalie, c’est bien. Madame Butterfly, aussi... Pour mes biographies TV, j’avais aussi l’impression de faire des films...

Et le ministre de la Culture ?
La marge est étroite. Si vous arrivez à faire le 10e de ce que vous vouliez faire, c’est déjà énorme. Je crois que le cinéma n'a pas eu trop à se plaindre de moi. Il faut dire que le système français est l'un des meilleurs du monde.

Comment est née votre cinéphilie ?
Le 15 août 1947, alors que j’étais bien au chaud dans le ventre de ma mère et qu’on m’a expliqué qu’il fallait que je sorte. J'ai résisté tant que j’ai pu ! (rires) Et j’ai toujours eu le regret de cette salle obscure, chaude, tranquille, où l’on entend les bruits du monde étouffés et où l’on a encore le temps de rêver... Je pense sincèrement que mon amour pour les salles obscures vient de là.
Je suis allé au cinéma très tôt. Dès l’âge de 8 ans, je voyais trois films par semaine. Il y avait le film de dimanche soir à la télévision, le jeudi j’allais au cinéma avec mon frère, j’y allais aussi le samedi...

Quel est votre rapport au cinéma américain ?
Il a complètement formé ma culture. J’ai d’abord aimé Greta, Rita, Ava… Et puis j’ai commencé à écouter les critiques et les revues dogmatiques qui m’ont persuadé que les films que j’aimais, n’étaient pas les bons (rires) Ce fut une période déchirante, mais qui m'a fait découvrir le cinéma italien : Antonioni, Fellini... Quel choc ! J'ai eu de la chance, car mon adolescence s’est déroulée pendant la Nouvelle vague. Je me suis éveillé à la vie intellectuelle avec un cinéma dans une phase totalement optimiste, qui croyait à sa puissance évocatrice. On pensait que le monde s’améliorerait avec le cinéma...

Vos projets de rentrée ?
L'écriture. Pour faire un film, il faut trop de monde. Je préfère écrire tranquille, inconscient... sans penser à tous les ennuis que ça va m'attirer (rires). Mon prochain livre s'intitule Mes regrets sont des remords et sort en novembre. J'y parle de moi, c'est ce que je sais faire de mieux (rires). Ce sera comme La Mauvaise vie : très personnel...

(1) Françoise Arnoul, Eric Elmosnino, Sara Forestier, Ana Girardot, Douglas Kennedy, Radu Mihaileanu, Emmanuel Mouret, Marjane Satrapi