My Joy fut l’un des films chocs du Festival 2010.Son réalisateur, le Russe Sergeï Loznitsa, dont c’était le premier film de fiction, est certainement l’une des plus grandes découvertes du Festival au cours des dix dernières années. Aussi attendait-on avec impatience son entrée en compétition avec Dans la brume, une fiction adaptée des romans de guerre de Vasil Bykov et située en Bielorussie pendant l’occupation allemande.
Après avoir fait dérailler un train, Souchénia (Vladimir Svirskiy) et trois de ses camarades cheminots sont faits prisonniers et torturés.Mais alors que les trois autres sont pendus, Souchénia, qui a pourtant refusé de trahir la résistance, est libéré et peut retrouver sa famille.En fait, sans le savoir il va servir d’appât aux Allemands. Effectivement, quelques jours plus tard, deux résistants débarquent chez lui et l’emmènent pour l’exécuter, convaincus qu’il les a trahi. Alors que Bourov (Vlad Abashin), son ami d’enfance, s’apprête à tuer Souchenia, il est pris sous le feu des Allemands et grièvement blessé. Au lieu d’en profiter pour s’enfuir, Souchenia porte secours à son ami blessé et essaie de rejoindre avec lui la résistance pour laver son honneur. Mais réussira-t-il à convaincre ses anciens camarades de son innocence?

La croix et la manière

Contrairement à ce que laissait craindre son titre, Dans la brume a le mérite de la clarté et de l’efficacité, chose rare cette année dans la sélection.Comme, Thomas Vinterberg dans La Chasse, Loznitsa confronte son héros au soupçon et à la perte de son honneur.Il en tire une fable Dostoïevskienne sur la façon dont la guerre change (ou pas) les hommes. Comme dans My Joy, mais de manière nettement plus limpide, les histoires des trois protagonistes principaux s’emboîtent comme des poupées russes, avec des allers-retours entre présent et passé. La réalisation est tirée au cordeau, dans la grande tradition Russe, et les lumières qui éclairent les sous-bois dans lesquels se passe l’essentiel de l’action sont sublimes.Dommage que tout cela doive prendre autant de temps! A force d’arpenter la forêt pendant deux heures, on a l’impression d’avoir porté nous-mêmes le cadavre du camarade Bourov. Chacun sa croix.