"Des choix empreints de doutes et de générosité" : c'est ainsi que Thierry Fremaux, delegué general du Festival de Cannes a présenté hier matin à Paris la sélection officielle du 65 e Festival de Cannes, qui se tiendra sur la Croisette du 16 au 27 mai prochains. Des doutes compréhensibles lorsque, comme cette année, 1779 films sont proposés pour une sélection qui n'en comportera au final qu'une cinquantaine. Comment être sur de ne pas passer à coté d'un chef d'oeuvre et , a contrario, être certain de ne sélectionner que le meilleur de la production mondiale ? C'est la difficile équation qu'ont à résoudre chaque année, entre janvier et avril, Thierry Fremaux et son équipe de sélectionneurs. Cela ne peut se faire sans générosité, justement, en ayant garde de n'oublier aucune terre de cinema (38 pays représentés cette année), aucun des grands auteurs qui font la réputation du Festival et le moins possible des nouveaux réalisateurs destinés à laisser une trace dans l'histoire du cinema.
Pour le 65e anniversaire du plus grand festival de cinema du monde, la pression était encore plus forte autour d'une sélection qui, au final, est parfaitement conforme à ce que l'on pouvait en attendre, avec très peu de surprises et de découvertes possibles. Une sélection 100% cinéphile, presqu'entierement consacrée au cinema d'auteur et largement dominée par le continent américain, avec une représentation française plus modeste que l'année derniere . Peu de grands oubliés aussi, à l'exception de Terence Malick et de Wong Kar-waï , régulièrement annoncés mais dont les films n'étaient pas encore prêts selon Thierry Fremaux, du Coréen Park Chan-wook qui aurait pu offrir à Nicole Kidman une troisième raison d'être à Cannes et de François Ozon ou de Valérie Donzelli pour les français. Mais avec seulement 22 films en compétition et 14 en hors compétition et séances spéciales , il y a encore de la place pour quelques "fignolages", promis par le delegué general d'ici la première montée des marches. Cannes 2012 aura donc encore, n'en doutons pas, son lot de surprises, de glamour, de paillettes et de scandales. Vivement le 16 mai !

La compétition
Elle est presqu'uniquement constituée d'habitués du Festival. Jacques Audiard, Leos Carax et le vétéran Alain Resnais pour la France. David Cronenberg, Matteo Garrone, Michael Haneke, Hong Sangsoo, Im Sangsoo, Abbas Kiarostami, Ken Loach, Cristian Mungiu, Carlos Reygadas, Walter Salles, Sergei Loznitsa et Ulrich Seidl, pour le reste du monde, ont deja eu des films en competition et certains ont déjà reçu les plus hautes récompenses. Parmi les nouveaux venus, Lee Daniels ( Precious) et Jeff Nichols ( Take Shelter) ont déjà fait sensation dans les sections parallèles, tandis que les Australiens John Hillcoat ( La Route) et Andrew Dominik ( L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) et l'américain Wes Anderson ( La vie aquatique) ont connu le succès en salles. Seul l'Egyptien Yousry Nasrallah sera une découverte pour la plupart des festivaliers avec un film sur l'après Moubarak.


Un Certain Regard
La sélection Un Certain Regard, souvent considérée comme une contre proposition à la compétition, exprime assez clairement les doutes dont faisait état Thierry Fremaux avec nombre de films qui auraient probablement eu leur place en compétition. On y surveillera particulièrement le film indien Miss Lovely, sur une pornstar locale que Thierry Fremaux a présenté comme "la rencontre de Mean Streets et de Boogie Nights" (!), le premier film d'un débutant au nom célèbre Brandon Cronenberg (fils de David), le nouveau brulot des duettistes de Mammouth Kervern et Delepine, le film du marocain Nabil Ayouch sur les enfants poseurs de bombes de Marrakech, le nouveau Xavier Dolan qu'on attendait en compétition, le film de Pablo Trapero avec Jeremie "Cloclo" Renier, 7 Dias en la Habana, film à sketches dont certains réalisés par Gaspard Noe, Laurent Cantet et Javier Bardem et la Confession d'un enfant du siècle dans lequel le rocker Pete Doherty fait ses débuts à l'écran aux cotés de Charlotte Gainsbourg et qui sent le souffre depuis la révélation par la presse anglaise d'une liaison entre les deux acteurs.


Seances spéciales et hors compétition
C'est l'espace "grand public" du Festival avec le film d'animation 3 D US du moment (Madagascar 3) , deux films de genre qu'affectionne particulièrement le delegué general (Dracula de Dario Argento et le nouveau Takashi Miike , présenté comme "un teen movie musical violent") , des documentaires sur Polanski, Depardon et la condition homosexuelle dans les années 40-50, deux "petits films" de chouchous du Festival ( ceux de Fatih Akin et Apichatpong Weerasethakul) et le film du 65e anniversaire concocté par Gilles Jacob à partir des archives du Festival. Une journée particulière sur la réunion en 2007 de 35 réalisateurs sur la Croisette, fera l'objet d'une séance spéciale le 20 mai. Ce sera tout pour les célébrations, a-t-on cru comprendre. La toujours très prisée leçon de cinéma sera donnée par le réalisateur de l'Etoffe des héros, Philip Kaufman, qui présentera également, en séance spéciale, son dernier film réalisé pour la télévision sur un amour d'Hemingway
Enfin, on honorera la mémoire de Claude Miller, un ami du Festival, avec la projection après la cérémonie de clôture, le 27 mai, de son dernier film, Therese Desqueyroux, achevé avant sa mort. "Ainsi Claude sera-t-il tout de même parmi nous, comme il l'aurait été si la maladie ne l'avait pas emporté" a conclu Thierry Fremaux.