Francis Ford Coppola est venu en France présenter son dernier long-métrage, Twixt, un film de fantômes, limite expérimental, dans lequel il fait joujou avec la 3D, le Noir et Blanc, le fantastique et les fantômes de son propre cinéma pour faire le deuil de son fils, mort en 1986 dans un accident de bateau. L’occasion pour le réalisateur d’Apocalypse Now et du Parrain de donner à son auditoire une véritable leçon de cinéma.Extraits choisis…

Redevenir étudiant
Je suis en compétition avec mes propres films de jeunesse. C’est impossible de gagner. J’ai toujours eu le sentiment de décliner.La seule solution c’était de redevenir étudiant en cinéma. Une petite mort pour un nouvel essor, une renaissance peut-être? En fait, je vis ma carrière à l’envers : je réalise aujourd’hui les films que j’aurais dû faire à 20 ans.

Tentation autobiographique

Un film, c’est comme un vin: ce qui compte, c’est le terroir. Il faut qu’on sente d’où il vient, qui l’a fait.Mes films sont de plus en plus autobiographiques parce que c’est moi qui les écris. La bonne nouvelle pour vous, c’est que je me fais vieux et que je n’en ferai sans doute pas encore des tas d’autres (rires).

Expérimentation

Je ne me force pas à faire des choses différentes. Ma stratégie, c’est juste de renaître au cinéma de façon différente. Et comme j’ai la chance d’être mon propre mécène, ça me permet de tenter des trucs.L’expérience du cinéma, est un acte libérateur.

Numérique et 3D
Réduire l’avenir du cinéma à la 3D, c’est ridicule. Le cinéma en relief existait déjà quand j’étais gamin. Personne ne sait ce que les nouvelles technologies permettront de faire. Le cinéma n’a pas fini de se renouveler. Grace au numérique, je pourrais faire un montage live d’Apocalypse Now avec un orchestre de percussions en accompagnement sonore. Je vais peut-être le faire d’ailleurs…

Succès/insuccès
Le succès, c’est comme le mariage. Ca en apaise certains et pour d’autres c’est une source de frustration. Il y a 30 ans, mes films avaient un grand succès, pourtant je me sentais beaucoup plus fragile qu’aujourd’hui. Peut-être que dans vingt ans les gens aimeront ceux que je fais aujourd’hui?

Retour au cinéma traditionnel
Peut-être que je suis prêt à rejouer dans la cour des grands maintenant? Je ne sais pas.Je voudrais faire un dernier grand film d’amour qui bouleverse les gens, à la façon d’un roman comme Manon Lescaut.

Val Kilmer

Quand on fait des films avec le budget des miens, il faut trouver des acteurs de talent qui sont dans la dèche. Il y en a toujours, heureusement (rires)! Ce n’est même pas qu’une question de cachet, c’est surtout qu’ils peuvent vous accorder plus de temps. Un acteur bankable pourrait accepter de tourner avec moi à ce tarif-là, mais il n’aurait pas le temps de le faire.

Plans fixes
J’ai renoncé aux mouvements de caméra, je préfère les plans fixes. Les films d’aujourd’hui me donnent le mal de mer.

Fantômes et réalité
Aujourd’hui, tout le monde parle à des fantômes. Ce matin, j’ai croisé deux amoureux qui parlaient chacun dans leur téléphone à d’autres personnes, qui étaient sans doute avec d’autres personnes qui parlaient à d’autres personnes… J’ai toujours douté de la réalité. Je suis certain que si on parvenait à percer le secret de l’univers, la vérité qui apparaîtrait serait loin de ce qu’elle a l’air d’être. Le temps et la réalité sont des illusions. Les seuls refuges sont l’amour et l’art

Regrets
J’ai deux regrets : n’avoir pas tourné Coup de Cœur en live, comme j’avais prévu de le faire, et n’avoir pas réussi à transformer l’industrie pour que ce soit plus facile aujourd’hui de faire des films que cela l’était à notre époque. En fait, c’est plus difficile pour les jeunes qui débutent aujourd’hui. C’est le grand échec de notre génération.