Voila donc le phénomène.La nouvelle reine du buzz, cliquée 20 millions de fois sur YouTube pour « Video Games », son premier manifeste soul pop.La remplaçante médiatique d’Amy Winehouse et Lady Gaga.Celle qui, après Adèle, porte sur ses frêles épaules tous les espoirs de l’industrie du disque.Une pauvre chose diaphane de 25 ans, aux lèvres gonflées qui minaude pire que Mariah Carey sur les plateaux télé, en tortillant ses mèches de fausse rousse Hollywoodienne (Lana « tunée »?) et qui se fait crucifier dès sa première prestation en direct au Saturday Night Live. « Une Vamp de télé réalité avec l’étiquette de la robe qui dépasse », comme on l’a lu quelque part : « Loana » Del Rey!
Son album à peine dans les bacs, c’est la curée. La violence de l’accueil du disque est proportionnelle à l’emballement médiatique qui l’a précédé. A25 ans, on la traite de vieux cheval de retour, au motif qu’elle aurait déjà enregistré un album (que personne n’a écouté puisqu’il n’est jamais sorti) sous le nom de Lizzy Grant (son vrai patronyme) et qu’elle avait alors un look peroxydé à la Pink. La belle affaire! Quelqu’un se souvient du look de Madonna quand elle dansait sur Born to be Alive? C’est « une icône marketing de l’Amérique déchue qui recycle une soupe sans saveur ».L’album serait « l’équivalent d’un orgasme simulé, une collection de chansons incendiaires qui brûlent sans passion ».Un machin « surproduit », « ringard » et « étouffant ». Fermez le ban!
R’n’B vintage
Faut-il hurler avec les loups?Surtout pas.Au contraire : il faut sauver le soldat Del Rey! Car son disque est bon. Mieux que ça : il est nécessaire.Ne vient-il pas de détrôner celui d’Adèle du top de ventes?Il était temps : on n’en pouvait plus d’entendre Rollin In The Deep et Someone Like You dix mille fois par jour!
Partant, on se contrefiche de savoir si c’est du préfabriqué, du botoxé, du marketté, du buzzé, de l’Universalisé (en l’occurrence du Polydorisé). Ce qui importe c’est que les chansons soient bonnes.Et elles le sont, sacrément.Dans un genre étrange : une sorte de R’n’B vintage, Elvisien, symphonique et cinématographique (le compositeur de BODan Health a fait les arrangements), plus trippant que dansant.La voix est envoûtante et passe du grave à l’aigu en un battement de cil.Et la photo de pochette est magique (cela fait combien de temps que vous n’aviez pas regardé la pochette d’un CD?). Elle crie : « Achetez-moi! Aimez-moi! Sauvez-moi! ». On la croirait extraite d’un film de David Lynch. Écouter ce disque donne une furieuse envie de revoir Mulholland Drive, dont « Blue Jeans » et « Video Games » auraient pu être la BO. Depuis Elvis, le rock a toujours flirté entre la pacotille et le sublime.C’est même à ça qu’on le reconnaît. En cela, Born To Die est un grand disque de rock.