C’est aujourd’hui un  dimanche tranquille. Les émotions de la journée d’hier ne sont pas encore évanouies. Hier était une journée heureuse et riche en émotion, c’était mes retrouvailles avec les chevreuils (voir mon fil de discussion précédent). Ce moment était tellement intense qu’aujourd’hui, je n’aurai pas eu de mal à laisser l’appareil photographique au repos.

Le soleil me taquinait bien pour enfiler les chaussures et parcourir quelques kilomètres. Je n’en avais pas le cœur. La peur d’être déçu, d’être « bredouille », peut-être.

«  Il y a des expositions en ce moment pour les fêtes de Noël, j’aimerais faire le chemin des crèches », me dit Odile, ma femme, en me sortant de cette torpeur.

Renseignement pris, le chemin des crèches est une promenade de village en village permettant d'admirer les crèches exposées de mairies en églises. Le clou du spectacle se situant près de Dormans au village de Villers-sous-Châtillon en plein coteaux champenois.

Villers est tout près d’Orbais-l’Abbaye et je n’étais jamais allé à Orbais. Quelle bonne raison me poussait donc à y aller ? Elle est simple, une amie d’ipernity connaissait bien ce village. C’est tout ? Oui c’est tout ? Il faut dire que Dormans est à une heure de route de Châlons-en-Champagne et l’occasion de connaître un nouveau village me tentait.

Le désir de sortir était revenu. Je prends la carte, trace la route. Cette route n’est pas très verte, faisons un détour, traversons la forêt. Le chemin des crèches passe désormais par Orbais et ce sera une belle occasion de faire une belle sortie dans les bois.

Les chaussures de marches dans la voiture, les chaussures de ville au pied pour ne pas salir les églises et les mairies d’accueil. Une rapide vérification du matériel. Je le prépare avec la plus longue focale : 500 mm. Je ne sais pas pourquoi. Pour prendre les crèches, ce n’est pas l’idéal, le zoom 18-70 mm aurait été plus rationnel. Le sac dans le coffre,  l’appareil sur la banquette arrière. Nous sommes prêts, mon matériel et moi, à toute éventualité.

Villers-sous-Châtillon est un village ou toutes les maisons sont décorées de guirlandes de Noël et d’illuminations. Pas un arbre n’échappe au décor électrique, pas un poteau. Les escaliers sont éclairés à chaque marche. Des pères-noël de plastiques, de bois ou de chiffon se promènent tirés par des rennes ou des locomotives sur les pelouses des jardins ou sur les balcons. Le spectacle n’a lieu qu’après le coucher du soleil. En cette période d’hiver, les illuminations se déclenchent à 17 heures.

La ballade en forêt commencera donc avant la visite des crèches. Parfait. Prendre des photos de crèches, ce n’est pas vraiment mon truc. Entrer dans les églises encore moins.

Nous montons dans la voiture. C’est parti.

Sur le chemin, un couple de buses s’amuse près de la route. D’habitude je ne m’arrête pas. Elles ont des yeux bien meilleurs que mes jumelles. Mais un parking me tend les bras à moins de 20 mètres. Pourquoi se priver.

Je stoppe, arrête le moteur et tente d’ouvrir la porte sans bruit. Bip, bip, bip, la voiture me rappelle à l’ordre. Je n’ai pas enlevé la clef. Moi qui souhaitais rester discret. Encore raté. Les buses s’éloignent mais un héron est tout près. Il est tout « prêt » devrais-je dire car l’objectif est armé, je suis paré à tirer sur tout ce qui bouge. Je m’approche (souliers de ville au pied) de ma cible sans trop y croire. Elle s’envole. Je serais bon pour un nettoyage. Les chaussures collent à la terre.

Nous reprenons le chemin, traversons un premier bois : « chasse en cours », cela ne me tente pas. Nous poursuivons de quelques kilomètres : « le ramassage de champignons est interdit ». En plein hiver il est facile de respecter la proscription. Arrêtons nous là.

Un filet d’eau longe la route dans un clapotis printanier. Une barrière bloque le passage des voitures. Il suffit de se baisser pour enfin prendre l’air. Un chemin large et ensoleillé, une forêt très bien entretenue. Rien de tel pour se dégourdir les jambes du moment où les chausses sont adaptées. Les chaussures cirées sont dans le coffre de la voiture.

Le froid de la veille m’ayant porté leçon, je porte une casquette à visière équipée de caches pour les oreilles. Comme je n’entends plus ma femme avec cet équipement, les rabats d’oreilles sont glissés sous le chapeau.

L’hiver sait être superbe. Les lumières sont belles comme le soir d’un été. Les arbres, nus, se détachent sur un fond bleu. Les avions passent au dessus de nous. Pour la photographie, rien de spectaculaire mais pour les sens c’est merveilleux.

Pas un cri d’oiseau. Ce n’est pas qu’ils soient absents mais ils ne souhaitent pas se montrer aux étrangers qui traversent leur jardin. Pas même le cri du geai alertant au passage toute la contrée. Un calme troublé de temps à autre par un moteur de coucou entoilé. Une piste d’envol ne doit pas être loin.

Nos chaussures sur les cailloux gelés crissent dans le silence. Nous parlons de choses sans grand intérêt : « les cadeaux de Noël sont près mais pas encore emballés … », « Mathieu passe le réveillons avec des copains  …», « cette forêt nous rappelle une ballade près de Germaine ou nous avions croisé des biches et une harde de sanglier … »

Bingo ! sur la gauche, là, dans le bois. Une masse sombre avance. L’objectif est déjà collé à mon œil. Pas le temps de faire les réglages. Les branches empêchent de bien voir. Les masses sont plusieurs. Les bois sont entretenus mais des rameaux sont devant. La mise au point sera difficile. Je le sais. La lumière d’hiver n’est pas forte et les automatismes de l’appareil ne sont pas parfaits.

J’attends le moment de presser la détente. J’attends le moment ou la masse deviendra bête. J’attends l’instant ou je pourrais faire confiance à la technique que j’embarque.  Clac clac. C’est fait, un gros sanglier mâle vient de traverser le chemin, clac clac, quelques marcassins, clac clac, une première femelle, clac clac suivis d’une seconde laie qui pousse les plus jeunes de l’autre coté du chemin.

Au loin, les fusils claquent et se rapprochent. Il nous faut rentrer. Je n’ai pas peur des sangliers, je crains les chasseurs.

Je n’ai pas de photos des illuminations. J’ai laissé l’appareil se reposer à Villers.  C'est un village de champagne aux maisons traditionnelles enrichi de maisons de vigneron ressemblant à des châteaux. Je vous invite à vous y promener.Les caves sont ouvertes aux acheteurs. Le spectacle à lieu tous les hivers.

Pour le chemin des crèches, c’était, je crois, la première année. C’est sur, ils vont s’améliorer.

Pour Orbais, j’y reviendrais. Je n’ai fait qu’y passer. Le village semble charmant, le style des maisons me plaît.