DG/77/9
ORGANISATION DES NATIONS UNIES .
POUR L’ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Allocution
de M. Amadou-Mahtar M'Bow

Directeur général
de l'Organisation des Nations Unies
pour l'éducation, la science et la culture
(Unesco)

devant la 62e session du
Congrès de l'Association universelle d'espéranto
(Reykjavik, Islande)

Monsieur le Président,
Messieurs les Délégués,
Mesdames, Messieurs,

I1 m'est agréable de saisir l'occasion de ma visite officielle en Islande pour prendre la parole devant vous, à l'ouverture de la 62e session du Congrès de l'Association universelle d'espéranto. Je voudrais à cet égard remercier bien sincèrement le président de l'Association, M. Tonkin, de son aimable invitation.

Vous avez choisi, Messieurs les Délégués, de placer votre Congrès sous le thème du "droit à la communication" ; c'est un sujet qui intéresse l'Unesco à plus d'un titre, car communiquer c'est déjà se comprendre.

Or, L'une des tâches essentielles de l'Unesco, de par son Acte constitutif, est le renforcement de la paix mondiale, la compréhension entre les peuples et la coopération entre les nations. L'espéranto a pris historiquement racine dans le même principe.

Le Dr Zamenhof, l'enthousiaste inventeur de cette langue, avait été profondément troublé dans sa jeunesse par les déchirements que les différences linguistiques pouvaient introduire au sein d'une communauté. Il acquit ainsi la conviction que seule la possibilité d'une communication directe pourrait ramener la paix entre les hommes et qu'il était nécessaire de mettre au point une langue universelle suffisamment complète, neutre et accessible à l'homme de la rue. L'espéranto, disait-il, ne connaît pas de nation forte ou faible, privilégiée ou inférieure,

Le rêve d'une langue universelle apparaît ainsi comme l'expression d'un idéal, celui de voir, grâce à l'usage d'une langue commune, disparaître toute discorde entre les hommes.

Déjà, l'hypothèse d'une langue artificielle avait été évoquée au XVIIe siècle par Descartes et surtout par Leibnitz, qui, à travers l'admiration qu'il vouait à l'Ars Magna de Raymond Lulle, reprenait un projet lié, à l'origine, à l'idée d'alphabet philosophique telle qu'elle s'était développée en Orient. La passion avec laquelle l'éminent logicien Louis Couturat a défendu l'espéranto témoigne, au demeurant, de l'intérêt soulevé par cette question chez les philosophes et les savants.

Cependant, si la recherche d'une langue universelle sest concrétisée dans le langage logique par lequel s'expriment les disciplines scientifiques actuelles, l'espéranto puise sa source pour sa part, de façon empirique dans les langues existantes et surtout dans les langues latines et germaniques, que d'ailleurs il ne prétend pas supprimer.

Il aspire à devenir une langue auxiliaire qui, s’ajoutant aux langues nationales, où s'expriment la pensée et les valeurs particulières de chaque peuple, offrirait à l’humanité la possibilité de disposer d'un medium utilisable au moins pour toute une région. Les savants qui n'ont cessé d'encourager, par leur soutien ou leur participation, le développement et l'expansion de l'espéranto, ne cessent également de souligner le caractère auxiliaire de ce moyen de communication. À cette alliance de logique, de modestie et de ferveur, l'espéranto doit d'être, parmi les multiples projets de langue: internationale, celui qui s'est assuré de l'expérience historique la plus continue, ce qui déjà n'est pas son moindre mérite.

Cependant, le problème si important de la langue n'est que l'un des aspects de la communication. C'est pourquoi l'Unesco s'est engagée dans une action de longue haleine qui, passant par l'élucidation du concept de la communication, vise à en transformer la pratique afin de faire entrer pour tous, dans les faits, le droit à communiquer.

Lors de sa dix-huitième session, en 1974, la Conférence générale de l'Unesco m'avait chargé d'étudier, en consultation avec les États membres et les organisations professionnelles, le concept du droit à la communication.

À un moment où s'affirme de plus en plus l'importance fondamentale de la communication dans une société démocratique et où les progrès considérables de la science et de la technique ouvrent des possibilités immenses aux hommes, la quête d'un nouvel ordre dans le monde concerne en effet la communication au même titre que l'économique, le social, le culturel. On commence aujourd'hui à reconnaître la valeur du pluralisme culturel et l'importance pour la collectivité mondiale de préserver l'intégrité culturelle de chaque peuple.

L'affirmation de l'identité culturelle, fondée sur la reconnaissance de la spécificité de chaque culture et l'égalité en dignité de toutes les cultures, n'interdit point des relations fécondes. C'est, au contraire, par des contacts et des échanges que les différentes cultures s'enrichissent mutuellement. Or, comment pourrait-il en être ainsi, si la possibilité de communiquer n'était offerte à tous, aux individus
comme aux nations. C'est dire l'importance qu'il y a de donner plein effet au droit à l'information proclamé à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Car il ne s'agit pas seulement de garantir aux populations la possibilité d'accéder et de participer aux moyens de communication ; il importe tout autant d'assurer la pleine réciprocité des flux d'informations au sein d'une même nation ou
d'une même communauté aussi bien qu'entre toutes les régions du monde. La communication est un processus à double sens, qui implique la possibilité d'informer comme celle d'être informé.

Pour garantir tant la liberté que l'équilibre de la circulation de l'information, il est essentiel que les différents partenaires, tour à tour émetteurs et récepteurs, disposent des moyens permettant un dialogue véritable.

La disparité actuelle dans la possession et dans l'emploi des moyens d'information constitue donc un "défi global" qui ne pouvait laisser indifférente l'Unesco. En effet son Acte constitutif lui fait obligation de “favoriser la connaissance et la compréhension mutuelle des nations en prêtant son concours aux organes d'information des masses et de recommander à cet effet tels accords internationaux qu'elle
juge utiles pour faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'image“.

L'Unesco est ainsi intervenue à plusieurs reprises pour faire adopter une série de normes internationales. Elle prête son concours à ses Etats membres qui souhaitent élaborer une politique nationale de la communication. Mais l'Unesco n'a pas et ne peut avoir de politique déterminée de la communication qui s'imposerait sur le plan national à ses États membres. Ceux-ci choisissent la voie qui leur paraît la plus conforme à leurs propres aspirations. Ce que l'Unesco peut faire pour les y aider, c'est de susciter la réflexion, de favoriser l'échange d'expériences et de tracer avec eux les voies qui renforcent la coopération internationale.

L'un des jalons importants, dans cette action de rapprochement réel entre les peuples, est l'organisation de conférences régionales sur les politiques de la communication. À San José de Costa Rica où eut lieu en juillet 1976 la première de ces conférences qui réunissaient les représentants des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, le “droit à la communication" se trouva au coeur des débats. Débats riches et complexes, s'il en fut, car il s'agissait là d'un concept relativement récent qui exprime les nouvelles dimensions que l'évolution des techniques et celle des idées ont donné au concept de droit à l'information proclamé par la Déclaration des droits de l'homme de 1948.

Les participants adoptèrent à l'unanimité la "Déclaration de San José” qui souligne notamment que :

“Les hommes ont le droit d'avoir accès à tous les biens culturels et de participer de façon libre et démocratique aux diverses manifestations de l'esprit.“

En fait, le plein exercice du droit à la communication, s'il garantit l'accès et la participation de la population à la communication, doit permettre aussi de développer la sociabilité de l'être humain, encourager la réflexion critique et surtout stimuler la créativité individuelle et collective qui est l'une des conditions du développement.

En 1975, l'Unesco mena auprès des États membres une enquête internationale sur le droit à la communication. Très riches dans leur diversité, les réponses firent apparaître une grande convergence des idées, D'une façon générale, furent reconnus la responsabilité et les devoirs des médias vis-à-vis de la société, ainsi que l'importance que revêt ï'accès à l'information et l'exercice effectif du droit d'informer
et d'être informé. Il fut souligné également que l'intégrité des cultures devait être préservée mais sans chauvinisme cependant, et qu'il était essentiel pour tout pays de faire connaître ses opinions et d'être entendu sur le plan international.

Il va sans dire que les problèmes ainsi soulevés sont loin d'être simples. C'est pourquoi l'Unesco s'attache à la fois à mieux définir le sens et les incidences du droit à la communication, tel qu'il est perçu dans des cultures et des systèmes socio-économiques différents, et surtout favoriser un large débat et des études sur l'ensemble des problèmes qu'il soulève.

Approche historique et approche culturelle, examen des incidences technologiques, aspects philosophiques, juridiques et politiques, impact sur la société, état actuel des courants d'information et formulation des politiques de la communication, telles semblent être quelques-unes des questions essentielles qu'il importe d'approfondir pour une meilleure compréhension du problème du droit à la communication.

A cet effet et dans le cadre de son programme de recherche à long terme, l'Unesco veut coopérer étroitement avec l'ensemble de ses États membres, les institutions nationales, professionnelles et universitaires, et les organisations non gouvernementales, pour encourager partout l'étude et la discussion.

De multiples recherches figurent d'ailleurs dans son programme. Elles portent sur :

- l'étude du rôle et des processus de la communication dans la société, et la circulation internationale de l'information ;

- les activités expérimentales concernant le développement des médias communautaires, l'amélioration de l'accès aux canaux et au matériel des médias :

- la recherche de mesures destinées à garantir les droits de l'homme ;

- 1a promotion d'une circulation libre et équilibrée de l'information, des politiques, des infrastructures et de la formation en matière de communication ;

- l'étude des perspectives de la communication entre nations et Les contraintes qui pèsent sur elles, compte tenu en particulier de l'emploi de technologies nouvelles telles que la radiodiffusion par satellites.

L'Unesco se trouve donc engagée, par La volonté de la communauté de ses États-membres, dans une réflexion qui touche à la racine d'un des grands problèmes du monde contemporain : au-delà de l'information, il s'agit de permettre aux hommes de communiquer. Car on peut être “informé” sans pour cela "communiquer" nécessairement et certains chercheurs soutiennent même que, pour ce qui est des pays industrialisés, en général, plus on "consomme" de l'information, moins on communique véritablement et plus on a besoin de communiquer.

Au terme de l'examen qu'elle entreprend de la totalité des problèmes de la communication dans le monde moderne, l'Unesco espère voir se réaliser un accord sur ce qui doit être l'objectif et la raison d'être de la communication dans le monde et sur les modalités par lesquelles la communauté internationale pourrait amplifier son action pour faire de la communication un moyen privilégié de progrès des peuples et de compréhension entre les nations.

Mesdames,
Messieurs les Délégués,

L'objectif que votre Congrès se propose en s'interrogeant sur le droit à communiquer, sur ce qui fait obstacle à l'application de ce droit, en particulier les barrières linguistiques, est donc au coeur de la problématique actuelle du monde.

Car si les obstacles à la circulation universelle de la pensée et des idées ont existé de tout temps, la communication entre peuples de langues et de cultures différentes est toujours apparue aussi comme un idéal éminemment souhaitable à atteindre.

Aujourd'hui, elle s'impose comme une nécessité dans un monde où ne cesse de s'affirmer l'interdépendance de tous les hommes. L'affirmation de la liberté de pensée et d'expression est certes fondamentale, mais faut-il aussi créer les conditions qui la rendent possible et ce, sans discrimination aucune.

Mesdames,
Messieurs,

Toutes les langues sont égales en dignité et en tant qu'instruments de communication, même si des différences existent quant à l'étendue de leur aire de diffusion. Si aucune d'elles n'est mondiale par nature, chacune représente à sa manière une expérience, une réalisation, une étape unique du progrès de l'homme. Ainsi, en ce temps où existent tant de possibilités techniques pour établir ou amplifier le dialogue entre les hommes, ceux-ci doivent-ils s'interroger sur les barrières que constituent les différences linguistiques, ainsi que sur les moyens de les surmonter.

En 1974, une étude de l'Unesco a révélé l'extrême pauvreté des recherches portant sur la communication transculturelle ainsi que les obstacles qui s'opposent au développement de cette communication : différences culturelles, blocages psychologiques gênant la compréhension, absence de langage commun, etc. Au cours des années écoulées, le débat sur la communication transculturelle s'est intensifié à mesure qu'augmentait la possibilité de diffusion directe par-delà les frontières, Au cœur du débat se situe la prise de conscience du fait que la communication est un pouvoir. Certains avancent même que c'est "le" pouvoir. Contrôler un système national d'information peut permettre en effet à certains intérêts de peser sur le processus de prise de décision de la société, voire d'agir sur les valeurs culturelles et politiques qui en cimentent l'unité. Voilà qui souligne une fois de plus l'importance du sujet dont vous allez débattre.

Me permettrez-vous de conclure en reprenant une idée que j'ai évoquée lors de la dernière Conférence générale de l'Unesco en novembre dernier à Nairobi ? C'est celle de l'importance que revêt, dans la perspective d'une transformation des relations entre nations, une information rendant compte de manière équilibrée des positions de tous les partenaires.

La question de l'information est désormais à l'ordre du jour. Il est probable qu'elle le restera au cours des prochaines années car elle est liée étroitement à ce droit à la communication qui, pour être pleinement exercé dans le cadre d'une coopération sur une base égalitaire entre les nations, passe nécessairement par la reconnaissance du droit à la différence culturelle.

Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs les Délégués,

Je suis persuadé que c'est à la fois ce respect des différences culturelles et cette volonté de rapprochement international qui vous animent. C'est pourquoi je forme des vœux très sincères pour que les travaux de votre Congrès soient aussi féconds que positifs.

Source :

Reykjavik 1977 FR : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000029031_fre

Reykjavik 1977 EN : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000029031

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DG/86/52

ORGANISATION DES NATIONS UNIES
POUR L’ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Allocution
de
M. Amadou-Mahtar M' Bow

Directeur général
de
1'Organisation des Nations Unies
pour 1'éducation, la science et la culture
(Unesco)

à l'occasion de la célébration du centenaire
de la création de l'espéranto

Maison de 1'Unesco, 16 décembre 1986
Paris

Monsieur le Président,
Cher Professeur,
Mesdames, Messieurs,

Je lisais, i1 y a peu, un ouvrage d'histoire portant sur le XIXe siècle. Un fait m'a alors frappé, fait qui était a 1'époque évident, mais qui aujourd'hui nous paraît à peine croyable : une lettre envoyée de Londres a Delhi pouvait mettre six mois pour arriver à son destinataire et son expéditeur devait attendre un an pour recevoir une éventuelle réponse. A l'heure actuelle, cette lettre ferait le même parcours en deux ou trois jours, un télégramme en une ou deux heures, un télex instantanément.

La terre entière est désormais enserrée dans un réseau de plus en plus dense de contacts et d'échanges d'information a travers lequel un nombre croissant de personnes se trouvent reliées à l'ensemble du monde et font quotidiennement l'apprentissage de son infinie diversité. C'est l'intuition d'une telle évolution qui a sans doute conduit il y a cent ans le Dr Zamenhof à imaginer un moyen de communication unique, une langue neutre n'appartenant en propre à aucune nation et pouvant dés lors servir de code commun à toutes.

Le contexte historique et culturel dans lequel a vécu le Dr Zamenhof n'est pas étranger à la détermination qu'il a mise a mener à bien son projet, comme le Professeur Perron vient de le démontrer. Médecin polonais, il ne possédait pas au départ de compétence particulière en matière linguistique, mais il évoluait dans un milieu où se côtoyaient constamment les coutumes et les parlers les plus divers (polonais, lithuanien, russe, yiddish).

Témoin d'incessantes querelles découlant de 1'incompréhension qui régnait entre ces différentes communautés religieuses et linguistiques, le Dr Zamenhof a conçu l'espéranto comme un moyen d'ouverture et de compréhension mutuelle, un véhicule de rapprochement entre les peuples et, pour tout dire, d'espérance, de foi en un monde de fraternité universelle.

Plusieurs tentatives avaient déjà été faites pour créer des langues artificielles, tentatives vouées à 1’échec. L'espéranto au contraire à fini par connaître le succès ; progressivement, l'histoire a rendu justice au Dr Zamenhof. Sans doute la première des raisons de ce succès tient-elle aux qualités d'équilibre, de cohérence et de clarté de l'espéranto. Son système grammatical est logique; la création de mots nouveaux est régie par des règles simples à partir des racines existantes ; l'orthographe est en accord direct avec la phonétique.

Mais l'essor mondial de l'espéranto est certainement dû, par ailleurs, à1'expansion continue des besoins de communiquer et de compréhension mutuelle au sein de la communauté internationale. C'est pourquoi sa courbe d'‘utilisation franchit un nouveau seuil au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec l'extension rapide des relations internationales et de toutes sortes de contacts, extension favorisée par le développement des communications modernes.

Aujourd'hui, l'Association universelle d'espéranto peut s'enorgueillir des résultats obtenus et il est juste qu'elle se soit fixée comme objectif de promouvoir l'introduction de l'espéranto comme seconde ou troisième langue dans les écoles et de le voir utilisé pour la traduction des ouvrages scientifiques.

Comme le soulignait le dernier Congrès universel espérantiste tenu a Pékin cette année, l'espéranto apparaît désormais concrètement comme un des instruments les plus efficaces de compréhension internationale, favorisant les échanges multilatéraux dans tous les domaines de la culture et de la science.

Enfin, la vitalité de l'espéranto se manifeste aussi par le fait que le mouvement espérantiste est un mouvement d'inspiration profondément humaniste.

C'est un mouvement qui aborde aussi des questions de plus en plus vastes, dépassant le seul souci de diffuser cette langue. Ainsi, une réunion d'experts organisée l'an dernier au Siège de 1'Unesco par 1'Association universelle d'espéranto a traité de thèmes tels que “Le modèle “un pays, une nation, une langue" est-il recevable ?", "Quel est l'avenir des langues minoritaires ?", "Que faire des langues héritées du système colonial ?

L'espéranto s'inscrit donc au coeur d'une problématique des plus vivantes et des plus actuelles, celle des voies et des moyens de rapprocher les peuples et les cultures du monde à travers une langue auxiliaire à vocation universelle, qui coexiste avec toutes les langues nationales et locales sans en menacer aucune. Mais j'ajouterai aussi que cet aspect linguistique s’intègre dans une vision humaniste beaucoup plus large et c'est ce qui fait toute l'originalité du mouvement espérantiste.

C'est pourquoi, Monsieur le Président, je forme le voeu que 1'espéranto, qui est déjà adopté par des centaines de milliers de personnes à travers le monde et enseigné dans de nombreuses universités, soit encore plus largement utilisé a l'avenir et que la communauté espérantiste, avec tous les espoirs qu'elle porte en elle, continue de s'étendre dans tous les pays. L'Association universelle d'espéranto joue à cet égard un rôle de premier plan, et je l'en félicite vivement.

Je voudrais aussi, Monsieur le Président, la remercier très chaleureusement de l'honneur qu'elle me fait en me décernant aujourd'hui le Prix Zamenhof.

Ce Prix, j'y suis particulièrement sensible. Quand j'ai assisté pour la première fois au Congrès de votre Association à Reykjavik j'ai été profondément ému par la sensibilité des membres du mouvement à 1'égard des problèmes les plus cruciaux de notre époque, par leur volonté de contribuer, à une échelle plus vaste que celle qu’avait pu atteindre le Dr Zamenhof, au rapprochement de tous les peuples et toutes les nations du monde.

Monsieur le Président, n’écoutez pas ceux pour qui tout projet humaniste devient un projet utopique. Vous l'avez dit, l'utopie qui a animé le Dr Zamenhof s'est réalisée, se réalise. C'est pourquoi par-delà les tempêtes et les incompréhensions, quand on a une foi, une croyance en quelque chose, il faut toujours poursuivre, poursuivre sans cesse et sans relâche. C'est peut-être cela qui fait 1'honneur de 1'homme au sens le plus fort du terme.

Cette foi, je la trouve profondément ancrée en vous, en tous les participants à votre mouvement. C'est pourquoi j'ai le plus grand respect pour tous
ceux qui y participent. L’occasion m'est donnée, à chacun de mes voyages, d'en rencontrer dans les pays que je visite, dans les villes où les obligations de mes fonctions m'amènent à séjourner pendant des périodes plus ou moins longues. Je me réjouis toujours de pouvoir m'entretenir avec eux, parce que je sais que nous avons en commun quelque chose de profond : notre croyance en l'homme, quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit sa religion, quelle que soit la philosophie qu'il professe.

C'est pourquoi, Monsieur le Président, en mon nom personnel comme au nom de 1'Unesco, à qui va cet honneur à travers ma personne, je vous prie de croire qu'en cette année du centenaire de la création de l'espéranto, je mesure pleinement le prix de la distinction que vous venez de me conférer et je vous en remercie très profondément. Merci à vous tous.

Source :

Paris 1986 FR : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000071601_fre?posInSet=1&queryId=e15b9317-e292-406a-be96-eea62ecc86a6
Paris 1986 EN : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000071601

Paris 1986 ES : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000071601_spa