En effet, chez elle, sans lui nier des talents et des compétences, ce sont les tripes qui prennent le relai du cerveau dès qu'il s'agit de l'espéranto.

On sait donc d'où ça sort et ce qui en sort.

Peu après avoir commencé l'apprentissage de l'espéranto, par curiosité, tout seul et en cachette, le 19 avril 1970, après avoir enfin trouvé des manuels au Quartier Latin, je me suis interrogé sur les raisons pour lesquelles une langue si géniale et si profondément imprégnée d'humanisme pouvait être à ce point calomniée par des gens qui ignorent leur ignorance.

Surtout depuis 1977, j'ai eu la charge de collecter les attaques contre cette langue, ce qui m'a amené à collaborer avec un ami suisse, Claude Piron, ancien traducteur francophone polyvalent pour l'ONU et l'OMS pour l'anglais, l'espagnol, le russe et le chinois, psychologue analyste chargé d'enseignement à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève, auteur de divers ouvrages et romans en espéranto ainsi que d'articles comme "Un cas étonnant de masochisme social" publié en 1991 par la revue "Action et pensée". Son livre "Le défi des langues — Du gâchis au bon sens" mérite une attention particulière.

Plus tardivement, j'ai eu la chance de me trouver un autre ami en la personne de Georges Kersaudy qui occupa les mêmes fonctions que Claude Piron à l'ONU, sauf qu'il fut amené à pratiquer pas moins de cinquante langues de l'Europe et de l'Asie, dont l'espéranto. Il le recommande dans deuc chapitres de son ouvrage "Langues sans frontières", une description de 39 langues de l'Europe.

J'ai déjà eu l'occasion de traiter le cas de Barbara Cassin dans deux documents mis en ligne intitulés "Marlène Schiappa, pourquoi ne pas oser... l'espéranto — Les violences faites à l'espéranto peuvent-elles servir la cause féminine ?" et "L'autodafé sans flammes ni fumée ni CO2".

Barbara Cassin a trouvé le moyen de donner une description non seulement inexacte mais calomnieuse et grotesque de l'espéranto. Et elle en rajoute une couche dans cet article du Temps en affirmant effrontément que c'est “Une langue morte, c’est une langue qui n’est maternelle de personne". Ça apparaît tellement grotesque que ça suscite des interrogations. Je connais moi-même des cas où l'espéranto est l'une des langues familiales.

Voici un exemple : https://blog-bilinguisme.fr/des-enfants-trilingues/

Un autre peut être trouvé dans une émission récente de RCF —

"Parlez-vous l'Espéranto ?" : https://rcf.fr/vie-quotidienne/parlez-vous-l-esperanto

Ce qui peut être observé et noté depuis le 20 octobre 2019, le jour où, par une manipulation stupide de son téléphone intelligent ("smartphone" !) pour un tweet, Donald Trump a nommé son secrétaire d'État à la défense Mark Esper "Mark Esperanto" : les statistiques de visite du mot "Esperanto" dans la version la version en anglais ont fait un bond sans précédent :

https://tools.wmflabs.org/pageviews/

6138 visites le 20, 4856 le 21, 4790 le 22, 3394 le 23... Donc, Trump a permis a des milliers de gens de découvrir l'existence de la langue qualifiée de "morte" par Barbara Cassin.

De même pour Google Trends où "l'effet Trump" semble avoir connu un rebond mondial le 22 octobre, vraisemblablement par l'écho donné à cette affaire par les médias. À noter le mutisme des médias francophones sur cette affaire, contrairement à l'Allemagne, la Pologne, la Suède, l'Espagne et les États-Unis :

https://trends.google.fr/trends/explore

Merci donc à Trump du côté anglophone et à Barbara Cassin qui est en train de devenir la "Trumpette" pour le monde francophone ! Le monde espérantophone va finir par l'adorer et lui être infiniment reconnaissant.

Il peut être utile de souligner que Barbara Cassin a des liens avec Heinz Wismann qui fut son directeur de thèse. Fils d'un dignitaire chargé de la propagande au ministère nazi de la culture sous l'un des pires régimes oppresseurs de l'espéranto du XXe siècle, il est tout aussi espérantophobe par ignorance. Il s'agit d'une obsession maladive. Ce besoin de baver sur l'espéranto est-il inguérissable ? L'erreur est humaine et Barbara Cassin a l'occasion de ne pas persister.

Il lui reste peut-être une chance d'échapper au ridicule en s'inspirant d'Elena Văcărescu (Hélène Vacaresco, 1864-1947, https://fr.wikipedia.org/wiki/Hélène_Vacaresco ) qui fut déléguée de la Roumanie à la SDN. En relation avec le Quai d'Orsay, elle s'opposa farouchement à la proposition visant à introduire l'espéranto dans les écoles de tous les pays. Bien plus tard, à l'Ambassade des États-Unis à Paris, elle eut l'occasion de rencontrer l'épouse de l'ambassadeur des États-Unis à Bruxelles, Mme Alice Vanderbilt Morris qui parlait l'espéranto et qui avait financièrement permis, en 1929, l'édition d’œuvres originales du Dr Zamenhof dans un volume intitulé “Originala Verkaro“. Et c'est à partir de cet échange avec Mme Vanderbilt-Morris qu'elle décida de soutenir l'espéranto.

Umberto Eco reconnut lui-même avoir pris l'espéranto à la légère et s'en être moqué. Il eut une attitude différente à partir du moment où il l'étudia pour préparer un cours au Collège de France sur le thème : “La quête d'une langue parfaite dans l'histoire de la culture européenne“ — https://www.college-de-france.fr/…/inaugural-lecture-1992-1…

À Paul Amar qui lui avait posé la question “Pourquoi cet échec de l’espéranto ?“ sur Paris Première, le 27 février 1996, il avait répondu :

J 'ai étudié un peu toutes ces utopies de création d'une langue ou parfaite ou la langue originelle d’Adam jusqu'à ce qu’on appelle les langues universelles telles que l'espéranto, le volapük et des autres qui ne veulent pas être des langues parfaites mais des langages auxiliaires. Et, en cette occasion, j’ai même étudié la grammaire de l'espéranto pour comprendre de quoi s’agit-il. Et je suis arrivé à deux conclusions. C'est une langue très, très bien faite. Du point de vue linguistique, elle suit vraiment des critères d’économie et d'efficacité qui sont admirables.

Deuxièmement, tous les mouvements de langues internationales ont raté, et non l'espéranto qui continue à rassembler une quantité de gens à travers le monde parce que derrière l'espéranto il y a une idée, un idéal, c’est-à-dire Zamenhof n'a pas seulement construit un objet langagier, mais il y avait derrière une idée (...) une idée de fraternité, et une idée pacifiste, et cette force idéale, qui a même amené les espérantistes à avoir des persécutions sous le nazisme et le stalinisme, est celle qui garde encore la communauté des espérantistes. On ne peut pas dire qu'elle a raté.

Ancien du British Council au sein duquel il occupa diverses fonctions, auteur d'ouvrages et d'articles contre la domination de l'anglais, en particulier "Linguistic Imperialism" (1992) et "Linguistic Imperialism Continued“ (2009), le professeur Robert Phillipson a publié cette année, pour la première fois en français, un ouvrage intitulé “La domination de l'anglais — Un défi pour l'Europe“. En 1996, à Prague, il eut l'occasion d'observer le Congrès mondial d'espéranto. Il reconnut alors ce que pourraient avouer aujourd'hui bon nombre de personnalités politiques, de décideurs, d'intellectuels, de journalistes, d'artistes, de gens de médias : “Le cynisme par rapport à l'espéranto a fait partie de notre éducation.“