Le vendredi 14 janvier 2011, à 19h 30, alors que des manifestations se renforçaient en Tunisie, un peu après la fuite de Ben Ali de sa résidence (vers 17h 40, d'après l'hebdomadaire "
Le Point") pour atteindre finalement Jeddah, en Arabie Saoudite durant la nuit du 14 au 15, la douane française de l'aéroport de Roissy, près de Paris, a constaté qu'il manquait plusieurs palettes sur les 40 du chargement de matériel de maintien de l'ordre commandé par le dictateur-voleur pour sa police. Du fait du manque de temps, puisque ça s'est passé un vendredi soir, à la fin de la semaine de travail, la douane a décidé de bloquer l'envoi et de ne faire une inspection détaillée que le lundi 17 janvier.

D'après l'hebdomadaire "
Marianne" (mardi 18 janvier 2011), ce chargement consistait en des tenues, des uniformes, des équipements policiers, des grenades lacrymogènes, à effet de souffle et éclairantes, des lance-grenades, des boucliers, etc.. Il a été dit que l'ordre d'arrêter cette livraison de matériel avait été donné à la douane depuis l'Elysée, le palais présidentiel où réside Nicolas Sarkozy.

Mais en fait la direction générale des douanes française a dit au site indépendant d'information "
Rue 89" que la décision d'inspecter les marchandises était administrative et sans lien avec une ordre de l'Elysée. Des instructions pour bloquer les marchandises ne sont venues du gouvernement que trois ou quatre jours après la fuite de Ben Ali...

Quoi qu'il en soit, c'est une certitude que, avec le consentement complaisant du gouvernement du "pays des droits de l'homme", le dictateur tunisien a reçu sans problèmes, depuis longtemps, tout le matériel nécessaire pour équiper ses forces d'oppression et maintenir ainsi son pouvoir.

Un petit espoir, cependant un espoir pour la langue de la démocratie en Tunisie

Dans l'Enciklopedio de Esperanto, publiée à Budapest en 1933, sous "Tunizio" (p. 976), il est possible de lire que "En 1893 il y avait aussi des abonnnés à „La Esperantisto“", que "le mouvement était plus vigoureux que jamais en 1904, grâce à l'action du capitaine A. Capé-Montrosier en Algérie", que "En 1907 on avait pu apprendre la fondation d'une société d'espéranto à Mehdia et Sonsse" [il y a là des coquilles — il faut : Sousse, et Mahdia, car Mehdia se trouve au Maroc], que "D'après la statistique de Dietterle en 1928, il n'y avait des espérantistes que dans quatre villes".

L'allusion suivante à la Tunisie apparaît dans l'article sur l'Algérie (p. 17) : "Grâce à la presse, l'espéranto était très bien vu dans le pays, même en Tunisie."

Il manque des informations sur l'évolution ultérieure jusqu'à la fin du XXe siècle. L'espéranto n'a jamais pu vraiment prospérer dans les trois pays du Maghreb : le Maroc, l'Algérie et la Tunisie qui ont déjà des langues communes dans l'arabe et dans le français.

Il y eut un intérêt assez fort durant une période en Algérie, aux alentours de l'année 1980, principalement dans la ville universitaire de Boumerdès, à Bejaïa (anciennement Bougie), mais les contacts se perdirent peu à peu en raison de la situation politique et sociale, du chômage, des conditions de vie difficiles, de l'insécurité, des attentats, d'un fort tremblement de terre qui ruina la ville de Boumerdès (2278 morts en 2003;
photos). En Tunisie et au Maroc, c'est surtout la crainte de poursuites qui gênait parce que la police considérait comme suspect tout regroupement, toute tentative d'association et toute relation extérieure. Les espérantistes sont actuellement très peu nombreux au Maghreb. L'intérêt pour l'espéranto pourra ressurgir lorsque des régimes plus démocratiques y apparaîtront.

Par ailleurs, en France, durant au moins les trois dernières décennies, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui ont toujours entravé le développement de l'espéranto — langue de l'équité et de la démocratie —, n'ont senti aucune gêne en ce que les régimes de ces pays, et de bien d'autres, aient étouffé la liberté d'expression, le droit d'association et d'expression publique du mécontentement et du désaccord. Les trois derniers présidents de la République française, parmi lesquels deux ont trahi l'espéranto, ont exprimé beaucoup d'estime pour la politique de l'escroc et dictateur tunisien Ben Ali.

Cet événement historique confirme une fois de plus une pensée exprimée par l'écrivain français
Henri Barbusse dans la préface du manuel "Cours Rationnel d'Espéranto", édité par SAT-Amikaro : "Le dialogue sincère de deux hommes sincères officiellement ennemis parce qu'appartenant à deux pays différents fait ressortir fatalement tout le mensonge social. Si modeste qu'il paraisse, au milieu de tout l'épanouissement des grandes idées de fraternité et de raison, l'apport de la langue internationale est d'un ordre immédiat et pratique incomparable."

Le départ du président voyou Ben Ali laisse un espoir pour l'espéranto, mais, en raison de l'urgente nécessité de résoudre une foule de problèmes, il est difficile de pronostiquer le temps qui sera nécessaire avant que la langue de l'espoir pourra s'enraciner, croître, fleurir et donner des fruits. Efforçons-nous déjà de faciliter les relations et les échanges extérieurs au peuple tunisien et, plus généralement, aux peuples du Maghreb.