Rappel des deux blogs précédent : Après avoir fait le tour d'un étang, flâné à regarder les chardonnerets et cassé une petite croûte, je reprends la route avec mon épouse.

Après avoir consulté la carte sur l'itinéraire indiquée par Françoise nous prenons la route à droite. Une petite route bordée par un champ où commencent à pousser les semences de l'automne. A droite une ligne d'arbres nous sépare d'une terre à maïs dont les pieds coupés à dix centimètres du sol n'ont pas été enlevés. Ce sont les champs où se nourrissent les grues, les champs de gagnage.

La signification du mot gagnage est complexe, il concerne certes la vie agricole mais peut définir les terres gagnées par la mer, une sole accueillant les céréales d'hiver ou encore un champ où le gibier vient prendre sa nourriture. Cette dernière définition concerne nos grues mais il ne s'agit plus de gibier, elles ont un statut d'oiseau protégé en France par la loi de 1976 et figurent sur la liste rouge de 1999 des oiseaux nicheurs hivernant.

Autant dire qu'aller déranger ces demoiselles n'est pas conseillé. La prise de photo doit s'effectuer avec précaution.

Nous avons beau regarder partout dans les champs, pas l'ombre d'une plume. Pourtant je les entends toutes proches. Elles ne sont pas loin. Un rayon de soleil éclaire une flaque. Sur la gauche, après avoir passé un bâtiment laissé l'hiver à l'abandon, la verdure d'un pré attire notre attention. Là, derrière une haie se trouve une troupe, un véritable élevage d'oiseaux sauvages.

C'est ma femme qui conduit. Je suis à sa droite. Je dois me tordre pour prendre la première photo, je tourne ma jambe dans l'habitacle mais le dos me fait mal. Je pousse une fesse qui glisse sur la banquette. Je suis déjà mieux mais l'objectif ne peut s'orienter vers les oiseaux. Une nouvelle gymnastique permet quelques photos mais mon déséquilibre me fait trembler. Une voiture nous suit, nous devons rouler un peu. Je conseille d'aller plus loin, de faire un demi-tour. Je serai mieux. Ma fenêtre donnera sur le parc où sont les bêtes.

Nous refaisons un passage. La voiture roule au pas. Les oiseaux n'ont pas peur des véhicules. Nous ne sortons pas. Je prends quelques photos. Le bruit de l'appareil gène les animaux. A pas lent, elles s'éloignent l'oeil rivé sur la masse métallique de la voiture tout en continuant à s'ébouriffer les plumes ou à parader fières de leur beauté.

Nous continuons la route jusqu'à la ferme et garons la voiture. Nous continuerons à pied cachés par une haie rendue transparente par sa tenue d'hiver. Le paysage est superbe. La terre est humide. Deux saules surveillent en maître le terrain.

Par un trou dans la haie, je prends mes photos. De temps à autre j'avance, reprends des clichés. Je continue, encore une image. Ce n'est pas un spectacle de colonie de vacance, c'est un ballet, c'est du béjard sur une musique bruyante et ravissante. On n'entend qu'elles. Ne cherchez pas le bruit du vent, le clapotis de l'eau, si vous en voyez les images, le son disparait pour le tintamarre de la conversation des cendrées.

Nous y restons un quart d'heure mais j'approche trop. Je les dérange. Je m'en aperçois mais j'ai beau reculer, elles s'apprêtent à partir, à s'envoler. Zut. Je ne suis pas fier et retourne penaud à la voiture mais c'est trop tard, le mal est fait, elles ont quitté le terrain, elles ne sont plus là.

La suite et fin du voyage dans le blog suivant