Tout ce que vous avez probablement déjà lu sur Grâce de Monaco- Et Dieu sait que le film d’Olivier Dahan a fait couler de l’encre - était vrai.Et tout le monde avait raison! La famille Grimaldi, en premier, de regretter que le film se serve de personnages et de faits réels pour une fiction « inutilement glamourisée ». C’est très exactement ce qu’il est (Un carton prévient d’ailleurs le spectateur : « Ce film est une fiction inspirée de faits réels »). Sauf qu’en l’occurrence, le mot important n’était pas « glamourisée », comme on l’avait d’abord cru, mais « inutilement ». Quel intérêt y avait-il, en effet, à raconter, du point de vue d’une actrice américaine devenue par hasard princesse, l’histoire du blocus de Monaco par le gouvernement français en 1962 pour l’obliger à modifier son régime d’imposition? Et de faire de la dite princesse, l’héroïne sacrificielle d’une lutte acharnée pour la préservation de son statut de paradis fiscal ?
Sauf à croire, comme semble le faire le réalisateur de La Môme, que la crise aurait pu aboutir à une guerre nucléaire entre la France et la Principauté (dans une des scènes les plus réjouissantes, de Gaulle menace au téléphone Rainier en ces termes : « Acceptez nos conditions où je renvoie Monaco au Moyen âge! »), le « combat » de Gracie en faveur des super-riches menacés par l’impôt n’émouvra sans doute pas grand monde dans la France en crise de 2014 (1).
On comprend aussi qu’Harvey Weinstein, le producteur américain du film, hésite à le sortir dans son pays.Pas sur, en effet, que le public de l’Iowa ou de l’Arkansas fasse très bien la différence entre la France et Monaco et comprenne quoi que ce soit à leurs différents financiers.
Nicole Kidman a pourtant eu raison, elle aussi, d’insister pour avoir le rôle.Olivier Dahan la filme avec une dévotion sans limite, insistant lourdement sur les gros plans de visage et sur les filtres pour faire oublier qu’elle n’a plus tout à fait l’âge du rôle. Tim Roth, en prince Rainier (que tout le monde appelle « Ray » sans qu’il s’en offusque), est moins bien servi. Le film en fait un pantin moustachu d’Onassis et de sa clique de milliardaires, fumeur à la chaîne et buveur de whisky, colérique, limite violent, calculateur et prompt à céder devant plus fort que lui (Onassis, de Gaulle, sa femme, sa traîtresse de sœur…). La Principauté, elle, est filmée de haut et de loin, ce qui en dit sans doute long sur la considération que lui porte le réalisateur…
Malgré tout, le Festival a eu parfaitement raison de programmer ce film en ouverture : il possédait le plus haut indice de buzz et de glamour. Au moins aura-t-il été utile à quelque chose!

(1) Contrairement à ce que laisse croire le film, la crise ne s’est pas achevée parce que de Gaulle a été sensible aux arguments «peace and love» de la princesse, mais bien parce que Monaco a accepté de modifier son régime fiscal favorable aux contribuables français.