Attendue au tournant par la filière musicale, qui lui reprochait de n’avoir encore pas fait grand-chose pour l’aider jusqu’ici, la ministre de la culture Aurélie Filippetti a fait un tabac hier au Midem de Cannes, où elle a confirmé la réforme du Centre National des Variétés (CNV) et annoncé un plan de soutien aux acteurs les plus fragiles du marché (microlabels, disquaires, petites plateformes).Après avoir décoré des Arts et Lettres Emily Loizeau et Axel Bauer (voir en pages Détente), la ministre a répondu à nos questions sur ces annonces, a évoqué « l’affaire Daft Punk » et s’est confiée sur ses goûts musicaux…

Cette réforme du CNV n’est-elle pas une manière de ressusciter le projet de Centre National de la Musique lancé par votre prédécesseur et enterré par vos soins au nom de la rigueur budgétaire?

C’est surtout une manière de soutenir la filière musicale sans créer un nouvel établissement public avec des coûts de structure importants. La musique traverse des années difficiles à cause de la transition numérique. La filière a perdu en dix ans 62 % de ses revenus et les signatures de nouveaux artistes ont baissé de 42. C’est une menace très claire pour la création d’expression française. La musique a besoin d’un soutien, comme le cinéma et le livre.

Qui dit nouvelle mission dit quand même nouveaux besoins budgétaires.Comment les financerez vous?

Le CNV se finance avec une taxe sur les billets de spectacles. Demain, il doit pouvoir bénéficier de ressources issues des nouveaux usages du numérique comme le streaming. Il ne s’agit pas de créer de nouvelles taxes, mais d’élargir l’assiette de celles qui existent déjà aux nouveaux entrants du marché.Quand on diffuse de la musique sur une plateforme numérique, on doit participer au financement de l’éco système musical. En tout état de cause, on n’enlèvera pas au cinéma pour donner à la musique et la partie spectacle vivant, dont s’occupait jusqu’ici exclusivement le CNV, ne sera pas affectée.

Vous avez parlé de « gestion collective ».De quoi s’agit-il?
C’est un autre chantier que j’ai souhaité ouvrir pour renforcer les droits des artistes. Ceux-ci touchent très peu sur le streaming (0.005 € par titre écouté) : il faut qu’il y ait une meilleure répartition de la richesse créée par le streaming au profit des artistes. Je souhaite que les discussions entre les différents partenaires débouchent sur le principe d’une gestion
collective des revenus du streaming. S’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord là-dessus, j’inscrirai ce principe dans la future loi sur la création audiovisuelle.

Vous vous êtes également engagée à soutenir la politique des quotas de chanson française…
Oui, je suis très attachée aux quotas, qui ne sont ni obsolètes, ni surannés.Au contraire, les quotas c’est moderne.À travers eux, on défend la diversité culturelle et on habitue les auditeurs à une écoute plus exigeante qui profite aussi aux autres musiques. D’ailleurs, beaucoup de pays regardent notre système avec envie et s’en inspirent.

Le léger mieux constaté sur le marché français l’an dernier (+1 %) doit -il inciter à l’optimisme?
C’est un signe réconfortant dans une tendance difficile. Je ne crois pas qu’il faille seulement l’attribuer aux ventes de Stromae et de Daft Punk.On peut espérer enfin une stabilisation du marché après des années de récession sévère.Mais nous n’avons toujours pas trouvé un modèle économique qui permette de financer la culture à l’ère du numérique. C’est pourquoi la filière doit être soutenue.

Dans ce contexte, l’absence de Daft Punk aux Victoires de la Musique vous chagrine-t-elle?
C’est leur choix, il est lié à leur histoire personnelle. Je le regrette et je ne pourrais évidemment que souhaiter qu’ils soient présents. Mais quelle que soit leur décision, ils contribuent au rayonnement de la culture française dans le monde.

Quelle musique écoute madame la ministre de la Culture?
J’aime beaucoup l’album de Maître Gims et le rap français en général.C’est un genre dans lequel, quoi qu’on en dise, il y a une forte création dans l’expression de langue française.