Après le décevant Micmacs à Tire Larigot, Jean-Pierre Jeunet est de retour à son meilleur niveau avec cette comédie familiale adaptée d’un roman à succès de Reif Larsen (The Selected Works of TSSpivet) : l’histoire d’un petit surdoué de dix ans qui fugue et traverse seul les États-Unis pour recevoir un prix scientifique que tout le monde croit avoir été attribué à un adulte. Joint par Skype dans son bureau parisien, le père d’Amélie Poulain dit avoir trouvé dans l’univers de T.S.Spivet suffisamment de ressemblances avec le sien pour aller tourner au Canada, en anglais, avec des acteurs américains (à part le fidèle Dominique Pinon, qui fait un caméo) et dans une 3D magnifique, cette aventure qui séduira petits et grands…

Pourquoi avoir choisi d’adapter ce roman?
C’est un de mes collaborateurs qui me l’a signalé, alors que je tournais une pub en Australie. J’en suis tombé amoureux à la dixième ligne et je l’ai fini dans la nuit. J’ai trouvé l’univers de T.S. Spivet très proche du mien et ça m’a instantanément donné envie de filmer les grands espaces américains.

Justement, ça a l’air d’un film américain, mais en fait ça n’en est pas un. Gardiez-vous un mauvais souvenir du tournage d’Alien?
Non, il avait fallu se battre, mais on est restés en bons termes. La preuve, c’est qu’on m’a proposé ensuite un Harry Potter et L’odyssée de Pi, que j’ai refusés. Pour ce film-là, je voulais faire quelque chose de 100 % personnel et garder tout le contrôle. C’est pour cela qu’on l’a fait en coproduction au Canada.

Vous n’avez pas envisagé de transposer l’histoire en France?
Franchement, non. Je ne sais pas pourquoi, le gamin qui prend le TGV à Montbéliard pour aller à Paris, ça me faisait moins rêver (rires)

La 3D, c’était une évidence?
Oui, j’ai toujours rêvé d’en faire. Tous mes films auraient pu être en 3D. Et celui – là s’y prêtait particulièrement. En regardant les dessins qui accompagnent le roman, je les voyais déjà voler en dehors de l’écran.

Comment ce choix a-t-il influé sur votre travail?

D’abord, il a fallu tout apprendre. J’ai vite compris ce qu’il ne fallait pas faire. Si vous faites un film en 3D, il faut y penser avant le tournage et pas essayer de faire une conversion de merde après. Ca ne marche pas. Il vous faut aussi les meilleurs dans ce domaine. J’ai pris le stereographe d’Hugo Cabret comme ça, j’étais tranquille. Pour que la 3D soit confortable, il faut ralentir le rythme des plans, ça ne convient pas aux films d’action. Vous devez aussi être particulièrement vigilant en postproduction pour enlever tous les petits défauts qui rendent l’expérience désagréable pour le spectateur.

Le choix de l’enfant était aussi crucial. A-t-il été difficile à trouver?
On a juste dû voir 2 à 3000 mômes! Finalement, j’ai parlé avec Kyle par Skype et c’était incroyable. Il m’a dit texto : « Spivet, c’est moi. Je parle cinq langues, je suis champion du monde d’arts martiaux, je ferai toutes les cascades et je pleure à volonté ! » (rires). Le seul problème c’est qu’il était trop jeune! Il a fallu changer l’âge du héros pour pouvoir le prendre.

Mais, en fait, T.S. c’est vous, non?
Oui, c’est vrai que son histoire me parle. Surtout la fin, quand il doit faire de la promo et qu’il n’a qu’une envie c’est de retourner chez lui! (rires).

Après le succès phénoménal d’Amélie Poulain, la sortie d’un nouveau film est-elle toujours une épreuve?
C’est de plus en plus dur, en fait. Aujourd’hui les spectateurs sont tellement bombardés d’information et leur choix de divertissements est si vaste qu’un grand succès tient de plus en plus du miracle. On ne maîtrise plus rien.C’est une espèce de loterie, on est à la merci de l’air du temps. C’est assez stressant. Idéalement, il faudrait montrer le film à ses copains et le brûler. Mais les producteurs ne sont pas tout à fait d’accord (rires)

Vous pensez déjà à votre prochain film?

J’ai acheté les droits d’un autre livre, mais je ne suis pas encore sur d’en faire l’adaptation. Là tout de suite, je ferais bien un film qui ne coûte rien, un truc simple et vite fait. Mais je dis ça à chaque fois et je n’y arrive jamais! (rires)