La vie de La Vie d’Adèle n’est décidément pas un long fleuve tranquille!
Au fil des semaines, l’émerveillement a fait place à la suspicion et au doute. Dès le lendemain de la palme d’or accordée au film d’Abdellatif Kechiche, des techniciens ont dénoncé publiquement les conditions de tournage démentielles imposées par le réalisateur. Puis, ce fut au tour des actrices principales, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, de raconter l’enfer qu’elles avaient vécu sur le plateau et de jurer qu’on ne les y reprendrait plus. Ce à quoi le réalisateur Niçois rétorqua vertement en s’en prenant aux origines bourgeoises de la première et en la traitant « d’artiste de gala ». Pas la promo idéale pour accompagner la sortie d’un film d’auteur de trois heures sur une histoire d’amour entre filles comportant, qui plus est, des scènes de sexe explicites! De quoi, en tout cas, se poser des questions avant d’y aller. Profondément blessé par la polémique, Kechiche avoue lui même qu'il n'irait pas voir le film du réalisateur manipulateur, pervers et tyrannique décrit dans les journaux. Il dit même ne plus avoir envie que le film sorte. Pourtant, après l'avoir revu et vérifié qu'on n'avait pas été victime d'une hallucination collective à Cannes (cf critique du mois de mai), voici cinq raisons pour lesquelles vous devez absolument aller voir La Vie d'Adèle...


1) C’est un des plus beaux films d’amour de l’histoire du cinéma.

Peu importe, au fond, qu’il s’agisse d’amour lesbien. Adèle n’est pas un film militant. C’est un film d’amour, ou, plus exactement, un film sur l’amour. Sa plus grande réussite est de faire ressentir physiquement au spectateur ce que c’est de tomber amoureux, de vivre une passion fulgurante, d’en jouir sans limite, puis de souffrir dans sa chair l’atroce douleur du manque, quand l’autre s’en va. Adèle (Adèle Exarchopoulos) passe par toutes ces étapes avec Emma (Léa Seydoux).Kechiche filme toutes leurs émotions en gros plan, leur amour crève littéralement l’écran et c’est magnifique.


2) Les scènes de sexe sont nécessaires.
On a beaucoup glosé sur les scènes de « sexe explicite » du film. La première dure 7 minutes (et non 20, comme on l’a dit) et rien ne semble simulé (on sait toutefois que les actrices portaient des prothèses). Ce pourrait être choquant, mais ça ne l’est pas.Surtout, ces scènes sont nécessaires.Elles sont faites pour que le spectateur ressente, comme Adèle, le manque physique créé par la rupture avec Emma. C’est grâce à elles que la scène de leurs retrouvailles dans un bar, plusieurs mois après s’être quittées, est aussi déchirante. L’une des plus belles du film.


3) ) C’est un chef-d’œuvre et 4) Kechiche est un grand cinéaste.

On peut faire confiance à des gens comme Steven Spielberg, Ang Lee ou Cristian Mungiu, membres du jury cannois, pour reconnaître un de leurs pairs lorsqu’ils en croisent un. Ils n’ont pas décerné la palme d’or au film (et à ses deux actrices, une grande première!), par hasard, ni par défaut. Cette année à Cannes, le niveau était particulièrement élevé et plusieurs films pouvaient légitimement prétendre à la récompense suprême. Après L’Esquive, La Graine et le mulet et La Vénus noire, Kechiche franchit un nouveau pallier avec La Vie d’Adèle.Il signe son chef-d’œuvre et s’impose comme le digne successeur de Maurice Pialat.



5) On s’en fiche pas mal du makin of
L’histoire du cinéma est remplie de tournages qui ont viré au cauchemar, soit que le réalisateur était fou, soit que les acteurs aient pété les plombs, soit que les éléments s’en sont mêlés de manière catastrophique. Curieusement, les films qui ont vu le jour dans la plus grande souffrance sont généralement ceux qui ont marqué leur temps (voir Apocalypse Now).
Que le tournage de La Vie d’Adèle ait duré des mois (750 heures de rushes!), que les techniciens n’aient pas été récompensés à la hauteur de leurs sacrifices, que les actrices aient été obligées de recommencer 100 fois une prise, que le réalisateur les ait rudoyées pour obtenir ce qu’il voulait d’elles, après tout, le spectateur s’en fiche. Ce qui compte c’est ce qu’il verra à l’écran : un très beau et très grand film.