Après avoir dirigé Daniel Craig et Sa Gracieuse Majesté en personne dans James Bond aux Jeux Olympiques, Danny Boyle, auquel on doit la mise en scène des cérémonies d’ouverture et de cloture des JO de Londres, mais aussi de films aussi mémorables que Trainspotting ou Slumdog Millionnaire, revient cette semaine dans les salles avec Trance, un thriller psychologique acrobatique dans lequel une psychothérapeute pratiquant l’hypnose (Rosario Dawson) est embauchée par un braqueur (Vincent Cassel) pour aider un de ses complices frappé d’amnésie (James McAvoy ) à se souvenir où il a caché une toile de maitre volée dans une salle des ventes...

Le pouvoir de l’hypnose tel qu’il est décrit dans le film est assez effrayant. Peut-on vraiment manipuler les esprits de cette manière ?
Tout ce qui est montré dans le film est ethiquement douteux mais pratiquement très possible. Normalement, sous hypnose, on ne peut pas forcer un sujet « normal » à faire des choses qu’il ne voudrait pas faire autrement. Mais sur 5 à 10% des personnes, ça marche parce qu’elles sont plus receptives à l’hypnose que les autres. Dans les spectacles d’hypnoses, les artistes repérent les gens les plus réceptifs et leur font faire ce qu’ils veulent. Ca peut aller assez loin. Pendant que je faisais le film, j’ai lu l’ histoire d’un spectacle d’hypnose dans le Yorkshire qui a mal tourné quand l’hypnotiseur a eu un malaise et est tombé dans les pommes. Pendant tout le temps qu’il était inconscient, il a été impossible de réveiller les quatre personnes qu’il avait hypnotisées sur scène. Il a fallu attende qu’il sorte du coma pour qu’il les réveille lui-même. Mais ne vous inquiétez pas trop si vous sortez avec quelqu’un qui fait de l’hypnose. Tout devrait bien se passer quand même ! (rires)

Vous-même, avez-vous essayé de vous faire hypnotiser ?

Oh non, je suis bien trop anxieux, trop « control freak », pour ça ! Je serais terrifié à l’idée de révèler ce que j’ai en tête… surtout aux acteurs avec lesquels je travaille ! (rires). Par exemple, Michael Fassbender devait faire le film à la place de Vincent Cassel, mais il voulait jouer le rôle de l’hypnotiseuse. J’ai commencé à l’imaginer en robe, ou en transsexuel… Ca devenait bizarre ! Quand Vincent Cassel est arrivé, je n’aurais pas eu envie qu’il m’entende parler de cette histoire de Fassbender en travesti. Sans compter les questions de salaires … Ce serait un cauchemar ! (rires)

Auriez-vous des choses à oublier (ou à vous rappeler) ?

Le film montre que jouer avec la mémoire peut être très dangereux. Il est dit que notre identité ce n’est que la somme des souvenirs et je le crois. Le film bascule quand on commence à jouer avec la mémoire. Non vraiment, c’est mieux de ne pas toucher à ses souvenirs, croyez moi !

La scène du hold up à la salle des ventes est un morceau de bravoure. Avez-vous revu des films de hold up pour vous en inspirer ?

C’était effectivement très excitant à faire. Pour tout vous avouer, j’avais eu l’idée de faire, au début du film, un montage de vingt scènes de braquages au cinéma. Ca se terminait avec celle de Dr No, dans laquelle Sean Connery passe devant une peinture de Goya et ça nous permettait d’enchaine avec le vol du notre. Mais les droits étaient trop chers : 5 M$, ça représentait le tiers de notre budget ! (rires). Si je devais dire quel est mon film de hold up préféré , je répondrai Le Samouraï de Melville , sans hésiter.

Et quel tableau voleriez-vous ?

N’importe quel Picasso. On a tourné chez Sotheby’s avec un vrai commissaire priseur. Ils nous ont donné beaucoup d’idées pour la scène du hold up ! (rires) J’ai aussi assisté à des ventes aux enchères où j’ai vu des gens dépenser 40 millions de livres sterling pour un tableau juste avant d’aller diner. Je m’attendais à y trouver David Beckham ou d’autres célébrités, mais je ne connaissais personne. On parle de gens vraiment très sérieusement riches, là ! En ce qui me concerne, si je pouvais acheter ou voler un Picasso, je le mettrai dans un musée pour que tout le monde puisse le voir car je pense que l’art doit être partagé et accessible à tous.

Votre choix s’est immédiatement porté sur Rosario Dawson pour le rôle d’Elisabeth ?

Oui, car je ne voulais pas d’une blonde hitchcockienne pour ce rôle là. Rosario, je l’avais auditionnée il y a longtemps pour Men In Black 2 (qui ne s’est pas fait avec elle ni par moi). Peu d’actrices peuvent porter un film d’action, mais j’ai toujours pensé qu’elle pouvait le faire. Elle a réussi à l‘hypnotiseuse sans pour autant endormir le spectateur, ce qui n’était pas évident.

Vous avez commencé pour les JO, pourquoi ne pas continuer et réaliser le prochain James Bond ?

J’ai déjà fait mon James Bond : il est très court, mais il a un casting royal ! (rires)

Est-ce plus difficile aujourd’hui de faire des films qui marquent vraiment les
esprits, comme Trainspotting à sa sortie ?

Je m’inquiète un peu de ce que j’appelle la Pixarification des films. Les Studios Pixar font des films merveilleux. Techniquement, ce sont les meilleurs et chaque fois qu’on fait un film on se demande si on va leur arriver à la cheville. Mais le problème, c’est que ce ne sont que des films pour les enfants et la famille. Ils n’ont aucun impact réel sur les gens. Il n’y pas de souffrance , c’est juste du spectacle. Quand j’étais adolescent, j’étais impatient de pouvoir voir enfin des films pour adultes, comme ceux de Nicholas Roeg, par exemple. Avec du sexe, de la violence et des dilemmes moraux. Aujourd’hui, quand on parle de « films pour adultes » , ça signifie « pornographiques ».