Après un détour surprise par le film de procès avec The Third Murder -toujours en salles-, Hirokazu Kore-eda revient à ce qu’il sait faire de mieux (le portrait de famille) avec le bien nommé Une affaire de famille. L’histoire d’une famille recomposée au gré du hasard et des circonstances, qui survit en dehors de tout modèle économique, moral, religieux ou familial.Lorsque le film commence, un père et son fils volent à l’étalage dans un supermarché. On apprendra assez vite qu’ils ne sont pas père et fils. Pourtant, ils vivent en famille (dans un joyeux capharnaüm), avec ce qui semble être la mère, la grand-mère et la tante de l’enfant. Là encore, il ne faut pas se fier aux apparences: aucun n’a de lien familial avec les autres. Cela n’empêche pas le «papa» de ramener à la maison une petite fille maltraitée et abandonnée devant chez elle par sa mère et son beau-père. La petite s’intégrera naturellement à cette pseudo-cellule familiale, où l’empathie et la bonne humeur remplacent avantageusement les liens du sang. Mais à la mort de la «grand mère», dont la pension était l’unique revenu stable du foyer, la réalité et la société vont forcément frapper à la porte…
Avec sa maestria habituelle, Kore-eda donne vie à cette petite troupe d «affreux, sales et gentils», auxquels on s’attache très vite. Le petit garçon et la petite fille sont à croquer, la mamie ressemble à Maître Yoda, la maman est très sexy quand elle troque ses sweaters informes pour une nuisette, le papa est un peu le pendant japonais de Kad Merad dans Comme des rois et la tante est le sosie nippon de Mireille Darc jeune… Une affaire de famille est dans la veine de Tel père, tel fils, en plus sombre et avec une critique encore plus acerbe de la société japonaise et de ses modèles économiques et culturels en pleine décomposition. Moins puissant que les premiers Kore-eda (Nobody Knows, Hana, Still Walking), menacé par les redites et l’esprit de système, le film n’en est pas moins juste dans les thématiques émergentes de l’édition. Ici aussi ont doit composer avec l’effondrement des valeurs, de la morale, des traditions et de l’économie.Ici encore, ce sont les femmes qui endossent les responsabilités. Prix du jury 2013 pour Tel père, tel fils, Hirokazu Kore-eda ne mérite peut-être pas encore la Palme pour ce film-là.Mais un Prix de la mise en scène ou du scénario (voire un prix collectif d’interprétation pour cette sacrée «famille») ne seraient certainement pas volés.