Il aura tout de même fallu attendre le cinquième film en compétition pour voir émerger un candidat un peu sérieux au palmarès. Oscarisé en 2015 pour Ida, film en noir et blanc sur une jeune orpheline élevée dans un couvent, Pawel Pawlikowski a nettement relevé le niveau avec Cold War. L’histoire d’un amour impossible et destructeur qui pourrait lui valoir, sinon la palme, du moins un prix majeur.Et à ses acteurs, un prix d’interprétation…
En moins d’une heure et demie (1h24 pour être précis), dans un noir et blanc encore plus somptueux que celui d’Ida, le film nous entraîne entre la Pologne, Berlin, la Yougoslavie et Paris sur les pas de Victor (Tomasz Kot) et Zula (Joanna Kulig) qui s’aiment, se déchirent, se recherchent et se fuient pendant une bonne dizaine d’années.A ce stade, on pourrait déjà lui attribuer la Palme de la concision! Tout commence en 1949 dans la campagne polonaise où, à la demande du parti, Viktor musicien reconnu et Irina une musicologue castent de jeunes chanteurs et danseurs pour former un ballet folklorique national. Parmi les jeunes talents, Viktor repère Zula une fille de la campagne aux manières rudes, qui aurait, dit-on, tué son père. «Il me confondait avec ma mère, mon couteau lui a montré la différence.Mais il a survécu» lui confiera-t-elle. Bientôt amants, ils projettent de passer à l’Ouest à l’occasion d’une représentation du ballet à Berlin. Mais la belle se défile au dernier moment et Viktor se retrouve seul à Paris, où il gagne sa vie en jouant du piano dans un club de jazz. Dès lors, chaque fois que la troupe se produit dans une capitale européenne, les amants maudits se retrouvent brièvement, puis se re-quittent.Zula ne croit pas à leur histoire. Jusqu’à ce que fou d’amour, Viktor décide de revenir la chercher en Pologne, où il risque pourtant 15 ans de prison…
Faisant sien le mantra de Truffaut dans La Femme d’à côté («Ni avec toi, ni sans toi»), Pawlikowski filme leur cavale amoureuse et tragique à grands coups d’ellipses, de scènes de chants, de musique et de danse. Celle où Zula entame un rock endiablé avec les clients d’un cabaret parisien, passant de bras en bras devant Viktor défait, restera dans les mémoires. Devant la caméra de Pawlikawski, Joanna Kulig a des airs de Jennifer Lawrence et Tomasz Kot de Daniel Day Lewis. Ce sont nos premiers favoris pour les prix d’interprétation. Le film, lui, ferait une belle palme classique.