Chef d’entreprise à la dérive dans La Mer à boire, l’inoubliable Ugolin s’apprête à reprendre le rôle de Raimu dans le remake de la trilogie de Pagnol qu’il va diriger à Marseille...

Après La Fille du puisatier, diriger la trilogie de Pagnol c’était une évidence?
Pour moi, oui. J’ai écrit l’adaptation et on commence à tourner le 14 mai à Marseille avec Raphaël Personnaz (Marius) Victoire Belesy (Fanny) Jean-Pierre Daroussin, Ariane Ascaride, Marie Anne Chazel et Daniel Russo. Je jouerai César bien sûr…

Michel Galabru raconte qu’il a longtemps refusé de reprendre les rôles de Raimu. Ca ne vous effraie pas?
Non.Pour moi, jouer Pagnol, c’est comme jouer du Molière. Malgré l’immense admiration que j’ai pour Raimu, le film de Pagnol a 80 ans. On ne va quand même pas s’arrêter de jouer de si beaux rôles sous prétexte que Raimu les a interprétés avant. Il n’est pas question de le remplacer, juste de permettre au public de réentendre ce texte prodigieux.

Qu’est-ce qui vous attire autant en Pagnol?
Son universalité.Et sa modernité. La question centrale de la trilogie, celle de la paternité, est toujours d‘ actualité : qu’est-ce que c’est d’être père aujourd’hui? Je n’avais pas vraiment l’ambition de passer à la réalisation avant de redécouvrir le texte de La Fille du puisatier. C’est lui qui m’a donné l’envie et le courage de me lancer là-dedans. Même chose pour la trilogie. Sinon, je me contenterais de faire l’acteur.
Il n’y a pas d’usure, ni de lassitude après tous ces rôles?
Non pas du tout. Je me sens la même énergie, le même désir de jouer et la même force pour le faire qu’à 30 ans. L’âge vous tombe dessus sans qu’on y prenne garde. Mais ça ne m’effraie plus. Au contraire, maintenant j’ai envie de vivre très vieux! C’est un virage de plus à négocier dans la vie d’un acteur, qui en est pleine. On le prend plus lentement, c’est tout (rires).
À propos de votre carrière : comment jugez-vous la vôtre avec le recul?
Je pense avoir fait les bons choix. En tout cas, je ne suis pas passé à côté du rôle qui aurait pu tout changer. Il y a eu trois grands tournants : Les Sous doués qui m’ont lancé au cinéma, Jean de Florette et les films de Sautet. Après, tout était joué. Aucun rôle ne pouvait plus changer mon image, ni ma carrière. Certes j’aurais pu jouer Van Gogh dans le film de Pialat plutôt que de choisir d’aller jouer Scapin dans la cour des papes à Avignon. Mais ça n’aurait rien changé.
Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce métier?
J’ai fait ce métier par envie de jouer les textes, par goût des mots. Quand j’allais au théâtre, enfant, je ressentais des émotions telles que je pouvais en pleurer. Sans doute ai-je eu envie de rendre cette émotion-là au public. Ca devait être génial de faire un métier ou on pouvait transmettre autant de passion. Enfant, bien sûr, je jouais dans les spectacles d’opérette de mes parents, mais je ne pense pas que ce soit cela qui ait décidé de ma vocation. L’été de mes 16 ans, à Avignon, j’ai joué La demande en mariage de Tchekhov avec une troupe amateur, au festival off. Ce que j’ai ressenti là était tellement fort que j’ai su que toute ma vie je voulais faire ça. C’était comme un vertige, un abandon, une libération…
Avec le personnage de petit patron dans La Mer à boire, vous renouez avec la veine sociale et dramatique de Claude Sautet
Oui, c’est ce qui m’a plu dans le scénario de Jacques Maillot. Je trouvais très original d’avoir choisi l’angle du patron pour raconter cette histoire. Je trouve que le film parle de notre époque avec beaucoup de lucidité, sans manichéisme.
Le fait que cela soit tourné dans le sud a dû vous séduire aussi?
Oui, bien sûr. J’ai adoré que cela se passe dans le milieu du bateau que je connais un peu puisque j’en ai un en Corse, où je vis une partie de l‘année. Je trouve que la description qui en est faite est très réaliste.
Les parallèles avec le milieu du cinéma sont d’ailleurs nombreux
Vous avez raison. C’est à la fois une industrie et un artisanat de luxe, comme le cinéma. On y est totalement dépendant de ses partenaires.

Est-ce un rôle dont vous avez eu du mal à sortir?
Non, chez moi ça ne fait que transvaser. Je me remplis d’un rôle puis je m’en vide aussi vite. Bien sûr il y en a qui vous marquent plus que d’autres. Jean Claude Roman (L‘adversaire) par exemple, je peux vous dire que j’étais pressé que le tournage se termine pour m’en débarrasser! (rires)
Quel rapport entretenez-vous avec la célébrité?
Je m’en accommode très bien. Lorsqu’on m’arrête dans la rue, je suis poli, je souris et je remercie. On m’insulte rarement (rires) et je ne suis pas Elvis, non plus : je peux me promener et aller acheter mon pain sans qu’on se jette sur moi. Pour tout vous dire, je m’en fiche un peu. Je n’ai pas fait ce métier pour être aimé. Ce qui compte c’est que mes enfants m’aiment, que mes parents m’aient aimé.Ca oui, c’est important. Le reste…
Avez-vous voté aux César?
Non, je trouve que ça n‘a pas beaucoup de sens, même si ça fait plaisir sur le moment. Mais si j’avais voté, j’aurais voté pour Omar Sy qui est formidable dans Intouchables.
Ou sont les vôtres?
Dans un carton, car je suis en plein déménagement. Sinon je les planque pour pas que mon jeune fils se blesse avec. C’est dangereux ces trucs-là! (rires)