C’était un an après Woodstock, dans la France de Georges Pompidou. Sur la Côte d’Azur, quelques jeunes chevelus désœuvrés rêvaient d’organiser un « festival pop » à la française. Parmi eux, il y avait Jean François Bizot, le futur patron d’Actuel et de Radio Nova, un certain Bernard Kouchner et Jean Karakos, le patron d’un label de disques (Big Records), futur « inventeur » de la Lambada. Après l’échec de tentatives similaires à Aix et à Valbonne, c’est sur Biot que les organisateurs jetèrent leur dévolu pour créer Popanalia, le Woodstock français.L’affiche était incroyable, même pour l’époque.Pour 30F, le 5 août 1970 (« à partir de 19h00 »), on verrait se succéder sur la même scène : Joan Baez, Pink Floyd, Eric Clapton, Soft Machine, Gong, Country Joe, les Moody Blues, Archie Shepp, l’Art Ensemble de Chicago et Don Cherry.Excusez du peu!
Le Woodstock français? On ne croyait pas si bien dire. Comme à Woodstock, un an plus tôt, les organisateurs furent complètement dépassés par le succès de leur festival.On attendait 3000 personnes, il en vint plus de 30000! Effarés, les habitants de la commune et de ses environs virent débarquer deux jours à l’avance des tribus de hippies, fauchés et chevelus, bien décidés à assister au festival et à prendre du bon temps au soleil sans bourse délier. « On ne pouvait plus entrer dans les maisons car ils dormaient sous les porches » se souvient une habitante que sa mère avait prévenue : « Cache les enfants sinon les hippies vont les prendre! ».Un autre biotois, adolescent à l’époque, se rappelle plutôt des filles qui se lavaient à moitié nues à la fontaine : « A16 ans, c’était un spectacle intéressant ».L’épicière du village raconta par la suite avoir été obligée de vendre des carottes et des cerises « à l’unité », pour ne pas laisser mourir de faim cette foule désargentée...

Popanalia 2

Assailli par une horde de hippies, de gauchistes et de maos nostalgiques des barricades, aux cris de « Organisateurs, exploiteurs du peuple », le site du festival, où se dresse aujourd’hui le siège de la société Amadeus (!), fut rapidement submergé.Seuls 4000 des 30000 spectateurs payèrent les 30francs réclamés à l’entrée. Ce qui ne fut évidemment pas suffisant pour payer les cachets des têtes d’affiche.Seule Joan Baez, arrivée la première, Country Joe et quelques seconds couteaux acceptèrent finalement de jouer. Les autres tournèrent aussitôt les talons, brisant les rêves hippies de partage et de fraternité. Popanalia, comme ses prédécesseurs, fut un four retentissant et sonna le glas des « festivals pop » en France. Mais sa légende a perduré, au point que quatre décennies plus tard, la ville de Biot et l’association Imago ont décidé de fêter le 40e anniversaire de Popanalia en organisant un grand concert sur le parvis du musée Fernand Léger.L’affiche 2010est certes moins prestigieuse que celle de 1970(Joan Baez, un moment espérée, n’a pas donné suite), mais elle a de la gueule.On y retrouve les vétérans de Popanalia 1, Gong et Archie Shepp, plus Trilok Gurtu, Omar Sosa, Paolo Fresu et Sashird Lao. Pour 35 euros Sarkozy, on ira les écouter le vendredi 9 juillet dans les jardins du musée Léger, en se souvenant qu’Eric Clapton, Joseph Kessel et Charles Bronson étaient parmi la foule, il y a 40 ans. Quelques célébrités en villégiature sur la Côte d’Azur feront peut-être le déplacement pour Popanalia 2? En tout cas, on ne craint pas de déferlement hippie, cette fois...